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INCONVÉNIENTS

fiance dans les faits spéciaux et l’autorité d’observateurs expérimentés, qui a toujours une certaine valeur, même lorsqu’ils ne donnent pas les motifs de leur opinion. Or presque tous ceux qui ont élevé beaucoup d’animaux et ont écrit sur le sujet, comme Sir J. Sebright, André Knight, etc.[1], ont exprimé leur profonde conviction de l’impossibilité de continuer longtemps des croisements consanguins. Ceux qui ont consulté les ouvrages sur l’agriculture, ou les éleveurs tels que Youatt, Low, etc., partagent également cette opinion ; et le Dr P. Lucas, s’appuyant sur des autorités françaises, arrive à une conclusion semblable. Le célèbre agriculteur allemand, Hermann von Nathusius, l’auteur de l’ouvrage le plus remarquable que je connaisse sur ces questions, est du même avis. Comme j’aurai à citer ses travaux, je dois dire que Nathusius ne connaît pas seulement à fond tous les ouvrages d’agriculture de toutes langues, mais qu’il est plus au courant des généalogies de nos races britanniques que la plupart des Anglais eux-mêmes ; qu’il a importé un grand nombre de nos animaux les plus améliorés, et est lui-même un éleveur très-expérimenté.

On peut assez promptement s’assurer des conséquences nuisibles des unions consanguines répétées, chez les animaux qui, comme les poules, les pigeons, etc., se propageant rapidement, et étant élevés dans la même localité, se trouvent exposés à des conditions toujours les mêmes. J’ai pris des informations auprès d’un grand nombre d’éleveurs, et n’en ai pas trouvé jusqu’à présent un seul qui ne fût profondément convaincu qu’un croisement avec une autre famille d’une même sous-variété était de temps à autre absolument nécessaire. La plupart des éleveurs d’oiseaux de fantaisie très-améliorés estiment toujours le plus leur propre lignée, et, crainte d’une altération, répugnent à faire un croisement, d’autant plus que l’achat d’un oiseau de premier ordre d’une autre branche est coûteux, et que les échanges sont difficiles ; et cependant, d’après ce que j’ai pu voir, tous les éleveurs, à l’exception de ceux qui conservent dans différents endroits un certain nombre de lignées distinctes pour les besoins du croisement, sont, au bout de quelque temps, forcés d’en arriver là.

  1. Voir A. Walker, On Intermarriage, 1838, p. 227. — Sir J. Sebright, cité note 1.