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LE LIBRE CROISEMENT DES VARIÉTÉS.

passablement fertiles. Je ne connais cependant pas dans des espèces naturelles, de cas tout semblable à celui du maïs précité, c’est-à-dire, d’un premier croisement facile produisant des hybrides parfaitement féconds. Le cas suivant, beaucoup plus remarquable encore, a évidemment embarrassé Gärtner, dans son désir de tracer une forte ligne de démarcation entre les variétés et les espèces. Il a fait, pendant dix-huit ans, un grand nombre d’expériences sur le genre Verbascum, dont il a croisé et compté les graines de non moins de 1,085 fleurs. Un grand nombre d’expériences ont consisté à croiser les variétés blanches et jaunes des V. lychnitis et V. blattaria, avec neuf autres espèces et leurs hybrides. Personne ne doute que les plantes à fleurs blanches et celles à fleurs jaunes ne soient de véritables variétés des deux espèces ci-dessus nommées ; et Gartner a effectivement, dans les deux espèces, obtenu une des variétés de la graine de l’autre. Dans deux de ses ouvrages[1], il affirme nettement que des croisements entre fleurs de même couleur donnent plus de graines que ceux entre fleurs de couleurs différentes ; de sorte que la variété à fleurs jaunes de l’une ou de l’autre espèce (et inversement pour la variété à fleurs blanches), fécondée avec son propre pollen, donne plus de graines que lorsqu’on la féconde avec du pollen de la variété blanche ; c’est ce qui arrive aussi lorsqu’on croise des espèces différentes de couleur. On trouve les résultats généraux dans la table qui termine son ouvrage. Il donne dans un cas les détails suivants[2], mais je dois prévenir que Gärtner, pour ne pas exagérer la stérilité dans ses croisements, compare toujours le nombre maximum obtenu du croisement avec le nombre moyen que fournit naturellement la plante mère. La variété blanche de V. lychnitis, fécondée naturellement par son propre pollen, donna douze capsules contenant chacune en moyenne 96 bonnes graines ; tandis que vingt fleurs, fécondées par du pollen de la variété jaune de la même espèce, donnèrent un maximum de 89 bonnes graines par capsule, ce qui, d’après l’échelle employée par Gärtner, donne une proportion de 1000 à 908. J’aurais cru qu’une différence aussi faible eût pu être attribuée aux effets nuisibles d’une castration nécessaire, mais Gärtner a montré que la variété blanche du V. lychnitis, fécondée d’abord par la variété blanche du V. blattaria, et ensuite par la variété jaune de cette même espèce, donna des graines dans la proportion de 622 à 438, la castration ayant été opérée dans les deux cas. Or la stérilité résultant du croisement des variétés différemment colorées de la même espèce, est tout aussi forte que celle qu’on observe dans beaucoup de cas lorsqu’on croise des espèces distinctes. Malheureusement Gärtner n’a comparé entre eux que les résultats des premières unions seulement, et non la stérilité des deux catégories d’hybrides produits de la variété blanche du V. lychnitis, fécondée par les variétés blanche et jaune du V. blattaria ; il est probable qu’il eût trouvé une différence sous ce rapport.

M. J. Scott m’a communiqué les résultats d’une série d’expériences entreprises par lui au jardin botanique d’Édimbourg. Il répéta quelques-

  1. Kenntniss der Befruchtung, p. 637. — Bastarderzeugung, p. 92, 181, 307.
  2. O. C., p. 216.