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CARACTÈRES QUI NE SE FUSIONNENT PAS

que le plus important de tous les moyens tendant à amener l’uniformité chez les individus d’une même espèce, c’est-à-dire la possibilité d’entre-croisements occasionnels, existe ou a existé chez tous les êtres organisés.


Sur certains caractères qui ne se fusionnent pas. — En général, lorsqu’on croise deux races, leurs caractères tendent à se fusionner d’une manière intime, mais il en est qui semblent refuser de se combiner ainsi, et se transmettent de l’un des deux parents, ou de tous deux, sans modification au produit du croisement. Lorsqu’on apparie des souris grises avec des blanches, les produits ne sont ni pie ni d’une nuance intermédiaire, mais sont ou tout blancs, ou de la couleur grise ordinaire ; il en est de même lorsqu’on apparie les tourterelles blanches avec l’espèce commune. M. J. Douglas dit, au sujet de coqs de combat, que lorsqu’on croise la variété blanche avec la noire, on obtient pour produits des oiseaux des deux variétés parfaitement francs de couleur. Sir R. Heron, ayant, pendant plusieurs années, croisé des lapins angoras blancs, noirs, bruns et fauves, n’a jamais trouvé une seule fois ces diverses nuances mélangées sur un même individu, bien que souvent les quatre couleurs se trouvassent dans une même portée[1]. On pourrait en citer encore d’autres cas, mais cette forme de l’hérédité est loin d’être universelle, même pour les couleurs les plus distinctes. Lorsqu’on croise avec les races ordinaires les chiens bassets et les moutons Ancon, qui ont les membres rabougris, les produits ne sont pas intermédiaires, mais tiennent de l’un ou de l’autre de leurs parents. Les produits du croisement d’animaux sans queue ou sans cornes, avec des animaux complets, peuvent fréquemment, quoique pas toujours, ou présenter ces organes parfaitement développés ou en être dépourvus. D’après Rengger, l’absence de poils chez le chien du Paraguay peut se transmettre à ses métis, ou pas du tout ; mais j’ai eu occasion de voir un chien de cette origine et dont la peau était en partie velue, en partie nue ; les différentes portions étant aussi distinctement séparées que le sont les couleurs chez un animal pie. Lorsqu’on croise les dorkings à cinq doigts avec d’autres races, les poulets ont souvent cinq doigts à une patte et quatre à l’autre. Quelques porcs obtenus par Sir R. Heron, du croisement de la race commune et du porc à sabots pleins, n’avaient pas les quatre pieds dans un état intermédiaire ; mais dans deux, les sabots étaient normalement divisés, et réunis dans les deux autres.

  1. Extrait d’une lettre de Sir R. Heron à M. Yarrell, 1838. — Annales des Sciences nat., t. I, p. 180, pour les souris. — Pour les tourterelles, Boitard et Corbié, Les Pigeons, etc., p. 238. — Pour les coqs de combat, Poultry Book, 1866, p. 128. — Pour les croisements des poules sans queue, Bechstein, Naturg. Deutschl., vol. III, p. 403. — Bronn, Gesch. der Natur., vol. II, p. 170, cite des faits analogues sur les chevaux. — Pour les chiens américains nus, Rengger, Säugethiere von Paraguay, p. 152. J’ai vu au Jardin zoologique des métis d’un pareil croisement qui étaient nus, ou tout velus, ou velus par places. — Pour les croisements de Dorkings et autres races gallines, Poultry Chronicle, vol. II, p. 355. — Pour les porcs croisés, lettre de Sir R. Heron précitée. Voir aussi Lucas, Héréd. naturelle, t. I, p. 212.