Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/105

Cette page a été validée par deux contributeurs.
98
CROISEMENT.

fleurs soit favorable à un croisement occasionnel. Les variétés de tomates et d’aubergines (Solanum) et de piments (Pimenta vulgaris [?]) ne se croisent jamais, à ce qu’on assure[1], même lorsqu’elles croissent à côté les unes des autres. Mais remarquons que ces plantes sont toutes exotiques, et nous ne savons pas comment elles se comportent dans leur pays natal, où elles peuvent être visitées par des insectes particuliers.

Il faut aussi admettre que quelques espèces naturelles paraissent, dans l’état actuel de nos connaissances, se féconder perpétuellement par elles-mêmes, ce qui est le cas de l’Ophride abeille (Ophrys apifera), bien que sa conformation ne soit pas de nature à empêcher un croisement. Le Leersia oryzoides produit de petites fleurs fermées qui ne peuvent pas se croiser, et qui, jusqu’à présent, sont les seules connues, à l’exclusion des fleurs ordinaires, qui aient donné de la graine[2]. On connaît encore quelques autres cas analogues ; cependant, malgré ces faits, je ne mets pas en doute qu’un entre-croisement occasionnel d’individus d’une même espèce ne soit une loi générale de la nature, et qu’il n’en résulte pour eux quelque avantage. On sait bien que quelques plantes, tant indigènes que naturalisées, ne produisent que rarement ou jamais de fleurs, et ne donnent jamais de graines quand elles fleurissent ; cependant personne n’en inférera que ce n’est pas une loi générale de la nature que toutes les plantes phanérogames produisent des fleurs, et celles-ci des graines. Des motifs analogues me portent à croire que les fleurs qui actuellement ne s’entre-croisent pas, ont pu le faire dans des conditions différentes, et se sont autrefois croisées par intervalles ; il est d’ailleurs possible que cela puisse encore leur arriver par la suite, à moins d’extinction, puisqu’elles conservent généralement une conformation qui ne rend point leur entre-croisement impossible. Cette manière de voir est la seule qui rende intelligibles plusieurs points de la conformation et de l’action des organes reproducteurs dans les plantes et animaux hermaphrodites, comme, par exemple, le fait que les organes mâles et femelles ne sont jamais si complétement renfermés, que tout accès du dehors soit impossible. Nous pouvons donc conclure

  1. Verlot, des Variétés, 1865, p. 72.
  2. Duval-Jouve, Bull. Soc. Bot. de France, t. x, 1863, p. 194.