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DE L’UNIFORMISATION DES CARACTÈRES.

d’un croisement occasionnel seront augmentés par l’accroissement de la vigueur et de la fécondité de ses produits, comme nous le verrons plus loin, car il en résultera une augmentation plus rapide des formes croisées que des races parentes pures.

Le résultat du libre croisement de races distinctes est toujours un corps hétérogène ; c’est le cas pour les chiens du Paraguay, qui sont loin d’être uniformes, et qu’on ne peut plus rattacher à leurs formes parentes[1]. Le caractère qu’un ensemble d’animaux croisés prendra définitivement par la suite, dépendra de plusieurs éventualités, — à savoir, des nombres relatifs des individus de deux ou plusieurs races qui pourront s’entremêler ; de la prépondérance d’une race sur une autre quant à la transmission de ses caractères, enfin des conditions extérieures au sein desquelles ils vivent. Lorsque deux races se trouvent d’abord mélangées en nombre égal, elles se confondront intimement plus ou moins promptement ; mais pas aussi vite qu’on aurait pu s’y attendre, même en supposant que les deux races se trouvent dans des conditions également favorables. C’est ce que montre le calcul suivant[2] : si on fonde une colonie composée d’un nombre égal de blancs et de noirs, en supposant qu’ils se marient indistinctement, soient également féconds, et qu’il en naisse et meure un sur trente par année ; au bout de soixante-cinq ans, il y aurait un nombre égal de noirs, de blancs et de mulâtres ; au bout de quatre-vingt-onze ans, il y aurait un dixième de blancs, un dixième de noirs, et huit dixièmes de mulâtres, soit d’individus de couleur intermédiaire ; au bout de trois siècles il ne resterait pas la centième partie des blancs.

Lorsqu’une des deux races mélangées excède numériquement l’autre de beaucoup, la moins nombreuse sera rapidement et à peu près entièrement absorbée par l’autre et perdue[3]. Ainsi les porcs et chiens européens qui ont été abondamment introduits dans les îles de l’océan Pacifique, ont absorbé les races indigènes dans le cours d’une soixantaine d’années[4] ;

  1. Rengger, O. C., p. 154.
  2. White, Regular gradation in Man, p. 146.
  3. Le Dr W. F. Edwards, dans Caractères physiologiques des races humaines, p. 23, a le premier appelé l’attention sur ce sujet, qu’il a discuté avec talent.
  4. Rev. D. Tyerman et Bennett, Journ. of Voyages, 1821–29, vol. I, p. 300.