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COULEURS ET RAIES.

jambes, surtout celles de devant, soit en Angleterre, soit ailleurs, — en Chine, par exemple, — offrent les raies transversales plus distinctes qu’elles ne le sont chez le cheval isabelle. Nous avons expliqué pour le cheval par le principe du retour, l’apparition incidente des raies aux jambes, en supposant que la souche primitive de cet animal était rayée de la sorte ; cette manière de voir est d’autant mieux soutenable pour l’âne, que la forme parente, l’Asinus tæniopus, présente quoique à un faible degré, les mêmes raies aux jambes. Ces raies se remarquent plus fréquemment et sont plus distinctes chez l’âne domestique dans son jeune âge[1], comme cela paraît être le cas aussi chez le cheval. La raie de l’épaule, si caractéristique de l’espèce, varie cependant dans sa largeur, sa longueur et son mode de terminaison. J’en ai mesuré qui étaient quatre fois aussi larges que d’autres ; d’autres encore plus de deux fois plus longues. Dans un âne gris clair, la bande de l’épaule ne mesurait que six pouces de longueur et était étroite comme une cordelette ; chez un autre individu de même couleur, elle n’était indiquée que par une teinte sombre. J’ai eu connaissance de trois ânes blancs, mais non albinos, chez lesquels il n’y avait aucune trace de bandes, ni sur le dos ni sur l’épaule[2] ; j’ai vu neuf autres ânes dépourvus de la raie sur les épaules et dont quelques-uns n’avaient même pas la bande dorsale. Sur les neuf, trois étaient gris clair, un gris foncé, un autre gris tirant sur le rouan ; les autres étaient bruns, et deux d’entre ces derniers avaient certains points du corps teintés en bai rougeâtre. Nous pouvons donc conclure de là que, si on eût appliqué avec constance la sélection aux ânes gris et brun rouge, la bande de l’épaule se serait aussi généralement et complètement perdue que dans le cas du cheval. La bande de l’épaule est quelque fois double chez l’âne ; M. Blyth a même vu jusqu’à trois et quatre bandes parallèles[3]. J’ai observé dix cas où les bandes scapulaires étaient brusquement tronquées à leur extrémité inférieure, l’angle antérieur de celle-ci se prolongeant en

  1. Blyth, Charlesworth Mag. of nat. Hist. vol. IV, 1840, p. 83. — Un éleveur m’a confirmé le fait.
  2. Martin (The Horse, p. 205) en cite un cas.
  3. Journal As. Soc. of Bengal, vol. XXVIII, 1860, p. 231. — Martin, Horse, p. 205.