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COULEURS ET RAIES.

peut que ces nuances aient été écartées par une sélection prolongée. Des chevaux de toutes couleurs, et de formes aussi différentes que le sont les chevaux de gros trait, les doubles poneys et les petits poneys, peuvent à l’occasion tous être pommelés[1], comme le sont d’une façon si apparente, les chevaux gris. Ce fait ne jette pas grand jour sur la question de la coloration du cheval primitif ; c’est un cas de variation analogique, car l’âne même est quelquefois pommelé, et j’ai vu au Muséum Britannique un métis de zèbre et d’âne pommelé sur la croupe. J’entends par l’expression de variation analogique (expression dont j’aurai fréquemment à me servir), une variation se présentant dans une espèce ou variété, et qui ressemble à un caractère normal chez une autre espèce ou variété bien distincte. Ainsi que nous l’expliquerons ultérieurement, les variations analogiques peuvent naître, ou de ce que deux ou plusieurs formes de constitutions analogues auront été soumises à des conditions semblables, — ou de ce que l’une d’elles aura réacquis, par retour, un caractère que l’autre forme a hérité et conservé de l’ancêtre commun aux deux ; — ou enfin de ce que toutes deux auront fait retour vers un même caractère possédé par l’ancêtre. Nous verrons d’abord que les chevaux ont parfois une tendance à revêtir sur plusieurs parties du corps des bandes ou raies foncées ; or nous savons que dans plusieurs variétés du chat domestique, ainsi que dans quelques espèces félines, les bandes passent facilement à l’état de taches et de marques obscures ; les lionceaux mêmes dont les parents sont uniformes de couleur, présentent des taches obscures sur un fond clair ; il se pourrait donc que le pommelage du cheval, qui a paru étonner quelques auteurs, soit un vestige ou une modification de la tendance qu’a le manteau du cheval à revêtir des raies, tendance qui, à plusieurs points de vue, est fort intéressante.


Des chevaux appartenant aux races les plus diverses, de toutes couleurs et dans toutes les parties du monde, présentent souvent une bande foncée

  1. C’est le résultat de mes propres observations faites pendant plusieurs années sur les couleurs des chevaux. J’ai vu des chevaux café-au-lait, isabelle clair, et gris-souris, qui étaient pommelés ; et je les mentionne parce qu’on a écrit (Martin, Hist. of the Horse, p. 134) que les chevaux isabelle n’étaient jamais pommelés. Martin (p. 205) parle d’ânes pommelés. — Le Farrier (Londres 1828, p. 453, 455) contient quelques bonnes remarques sur le pommelage des chevaux ; voir aussi l’ouvrage du col. H. Smith.