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COULEURS ET RAIES.

taille ordinaire. Si nous avançons plus à l’est jusqu’au Japon, le cheval reprend son développement complet[1].

Dans la plupart de nos animaux domestiques, on élève des races en raison de leur curiosité ou de leur beauté ; le cheval est uniquement estimé pour son utilité. On n’a donc pas cherché à conserver les formes demi-monstrueuses, et toutes les races existantes se sont formées lentement soit par l’action directe des conditions extérieures, soit par la sélection de différences individuelles. Quant à la possibilité de la formation de races demi-monstrueuses, elle ne peut être mise en doute : ainsi M. Waterton[2] rapporte le cas d’une jument qui produisit successivement trois poulains sans queue, ce qui aurait pu donner naissance à une race privée de cet appendice, comme il en existe chez les chiens et les chats. Une race de chevaux russes a le poil frisé ; Azara[3] raconte qu’au Paraguay il naît quelquefois des chevaux qu’on détruit généralement, et dont le poil est semblable à celui de la tête du nègre ; cette particularité se transmet même aux métis ; un fait curieux de corrélation accompagne cette anomalie, en effet ces chevaux ont la queue et la crinière courtes, et leurs sabots ont une forme spéciale, ressemblant à ceux des mulets. Il est impossible de douter que la sélection longtemps continuée des qualités utiles à l’homme n’ait été l’agent essentiel de la formation des diverses races du cheval. Voyez le cheval de gros trait, comme il est bien adapté au service qu’on réclame de lui, la traction de poids lourds ; et combien il diffère par toute sa conformation et son aspect de tous les types sauvages du genre. Le cheval de course anglais procède comme on le sait d’un mélange des sangs arabe, turc et barbe ; mais la sélection et l’éducation en ont fait un animal en somme fort différent de ses ancêtres. Comme le dit un auteur écrivant dans l’Inde, et qui connaît bien la race arabe pure, « qui, en voyant notre race actuelle de chevaux de course, pourrait concevoir qu’elle est le résultat de l’union du cheval arabe et de la jument africaine ? L’amélioration est si forte que, dans les courses pour la coupe Goodwood, on accordait aux premiers descendants des chevaux

  1. Crawford, Journal of Royal Unit. serv. Instit. vol. IV.
  2. Essays on natural History (2e  série), p. 161.
  3. Quadrupèdes du Paraguay, t.II. p. 333.