Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.
38
CHIENS.

M. Hodgson assure que la variété lassa noir et feu du dogue du Thibet possède le cinquième doigt, tandis que la sous-variété mustang en est dépourvue. Le développement de la peau entre les doigts varie beaucoup, nous aurons à revenir sur ce point. Les différentes races varient encore par la perfection de leurs sens, de leurs dispositions et de leurs habitudes héréditaires. Les races présentent quelques différences constitutionnelles ; d’après Youatt[1], le pouls varie suivant la race et la taille de l’animal. Les diverses races sont à différents degrés soumises à certaines maladies. Elles se sont certainement adaptées aux divers climats sous lesquels elles ont longtemps vécu. Il est notoire que la plupart de nos meilleures races européennes se détériorent dans l’Inde[2]. Le Rév. R. Everest[3] croit qu’on n’est jamais parvenu à conserver longtemps vivant le terre-neuve dans l’Inde ; Lichtenstein[4] dit qu’il en est de même au cap de Bonne-Espérance. Le dogue du Thibet dégénère dans les plaines de l’Inde, et ne peut vivre que dans les montagnes[5]. Lloyd[6] assure que nos limiers et bouledogues ne peuvent pas supporter les froids des forêts du nord de l’Europe.

En voyant par combien de caractères les races canines diffèrent les unes des autres, en nous rappelant d’une part l’assertion de Cuvier, que leurs crânes sont plus dissemblables entre eux que ne le sont ceux d’espèces d’un genre naturel, et de l’autre l’analogie étroite qu’offrent les os des loups, chacals, renards et autres canidés, n’est-il pas étonnant de rencontrer toujours maintes et maintes fois répétée cette assertion, que les races canines ne diffèrent entre elles que par des caractères sans importance. Un juge très-compétent, le professeur Gervais, dit[7] : « Si l’on prenait sans contrôle les altérations dont chacun de ces organes est susceptible, on pourrait croire qu’il y a entre les chiens domestiques des différences plus grandes que celles qui séparent ailleurs les espèces, quelquefois même les genres. » Parmi les différences énumérées plus haut, il en est quelques-unes qui, à un certain point de vue, ont peu de valeur, car elles ne caractérisent pas des races distinctes ; ainsi les dents molaires surnuméraires, ou le nombre

  1. The Dog, 1845, p. 186. — Le lévrier italien (p. 167) est très-sujet aux polypes de la matrice, l’épagneul et le bichon à la bronchite (p. 182). Les races sont de même très-différentes sous le rapport de la disposition à la maladie des chiens (p. 232). Voir col. Hutchinson, Dog Breaking, 1850, p. 279.
  2. Youatt, The Dog, p. 15 ; — The Veterinary, London, vol. XI, p. 235.
  3. Journal of Asiat. Soc. of Bengal, v. III, p. 19.
  4. Travels, vol. II, p. 15.
  5. Hodgson. — Journal of Asiat. Soc. of Bengal, vol. III, p. 342.
  6. Field Sports of the North of Europe, v. II, p. 165.
  7. Hist. nat. des Mamm., 1855, t. II, p. 66, 67.