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ACTIONS MODIFICATRICES.

tions dans le nombre des dents, et montré que la dent surnuméraire n’est pas toujours la même. D’après H. Müller[1], dans les races à museau court, les molaires sont obliques, tandis que, dans les races à museau allongé, les molaires sont placées longitudinalement et espacées. Le chien dit égyptien ou turc, sans poils, a une dentition[2] très-incomplète, il n’offre quelquefois qu’une molaire de chaque côté, mais ceci, quoique caractéristique de cette race, peut être regardé comme une monstruosité. M. Girard[3], qui paraît avoir étudié la chose de près, assure que l’époque de l’apparition des dents permanentes n’est pas la même pour tous les chiens ; elle est plus prompte chez les grands ; ainsi, le dogue met ses dents adultes dans quatre ou cinq mois, tandis que, pour l’épagneul, il en faut sept à huit. Il y a peu à dire sur les différences minimes. I. Geoffroy Saint-Hilaire[4] a montré que, quant à la taille, quelques chiens ont jusqu’à six fois la longueur d’autres (la queue non comprise) ; et que le rapport de la hauteur à la longueur du corps varie de un à deux à un à quatre. Dans le lévrier écossais, on remarque une différence frappante et remarquable dans la taille du mâle et de la femelle[5]. Chacun sait combien les oreilles varient de grandeur suivant les races, et comment ce grand développement des oreilles entraîne l’atrophie de leurs muscles.

Certaines races offrent entre les lèvres et les narines un profond sillon. D’après F. Cuvier, les vertèbres caudales varient en nombre, et la queue manque presque complètement chez les chiens de bergers. Les mamelles varient de sept à dix. Daubenton, sur vingt et un chiens qu’il a examinés, en a trouvé huit avec cinq paires de mamelles, huit avec quatre, les autres en avaient en nombre inégal de chaque côté[6]. Les chiens ont normalement cinq doigts aux pattes antérieures, et quatre aux postérieures ; il s’en trouve souvent un cinquième ; et F. Cuvier a constaté que, lorsqu’il y a addition d’un cinquième doigt, il se développe un quatrième os cunéiforme ; dans ce cas, le grand os cunéiforme se relève et fournit par sa face interne une large surface articulaire à l’astragale ; de sorte que même les connexions réciproques des os, de tous les caractères le plus constant, varient. Ces modifications dans les pattes des chiens ne sont, du reste, pas très-importantes, car, comme l’a montré de Blainville[7], elles doivent être regardées comme des monstruosités. Elles sont cependant intéressantes par la corrélation qui se remarque entre elles et la taille, car elles sont beaucoup plus fréquentes chez les dogues et les grandes races, que chez les petites. Des variétés voisines diffèrent cependant, sous ce rapport, ainsi,

  1. Würzburger Medecin Zeitschrift 1860, v. I, p. 265.
  2. M. Yarrell, Proc. Zool. Soc., oct. 8, 1833. — M. Waterhouse m’a montré un crâne d’un de ces chiens qui n’avait qu’une seule molaire de chaque côté et quelques incisives imparfaites.
  3. Cité dans le Veterinary, London, vol. VIII, p. 415.
  4. Op. cit., t. III, p. 448.
  5. W. Scrope, Art of Deerstalking, p. 354.
  6. Cité par le col. Ham. Smith, Nat. Lib., X, p. 79.
  7. De Blainville, Ostéographie, p. 134. — F. Cuvier, Annales du Museum, XVIII, p. 342. — Pour les dogues, voir col. Ham. Smith, O. C., p. 218. — Pour le dogue du Thibet, voir Hodgson, Journ. Asiat. Soc. of Bengal., I, 1832, p. 342.