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DIFFÉRENCES DES RACES.

rendre compte du résultat final, s’il n’y avait d’ailleurs une tendance vers une diminution de la fécondité. J’ai vu, il y a quelques années, au jardin zoologique de Londres un métis femelle de chien et de chacal chez lequel la stérilité, dès la première génération, était déjà apparente par l’absence des phénomènes extérieurs du rut ; mais on a tant d’exemples de pareils métis complètement féconds, que ce cas est certainement exceptionnel. Il y a, du reste, dans ces essais de croisements trop de causes d’incertitude, pour qu’on puisse arriver à aucune conclusion positive. Il semble toutefois que ceux qui sont d’avis que nos chiens proviennent de plusieurs espèces devront admettre que non-seulement leurs descendants, après une période prolongée de domestication, perdent toute tendance à la stérilité lorsqu’on les croise entre eux, mais aussi qu’entre certaines races de chiens et quelques-uns de leurs parents présumés un certain degré de stérilité a pu être conservé et peut-être même acquis.

Malgré les difficultés relatives à la fécondité, dont nous venons de nous occuper, si nous songeons à l’improbabilité que l’homme n’ait, dans le monde entier, domestiqué qu’une seule espèce d’un groupe aussi répandu, aussi utile, et aussi facile à apprivoiser que l’est celui des chiens ; si nous réfléchissons à l’antiquité extrême des différentes races, et surtout à l’analogie étroite qui se remarque soit dans la conformation, soit dans les mœurs, entre les chiens domestiques de divers pays et les espèces sauvages qui y habitent encore, la balance, penche évidemment du côté de l’origine multiple de nos races domestiques.

Différences entre les diverses races de chiens. — Si les différentes races descendent de plusieurs souches sauvages, une partie de leurs différences doivent être évidemment explicables, par celles des espèces dont elles dérivent. La forme du lévrier, par exemple, peut provenir d’un animal grêle et svelte au museau allongé, comme le Canis simensis[1] d’Abyssinie ; les gros chiens peuvent descendre des grands loups ; les formes plus petites, du chacal ; on peut encore ainsi rendre compte de

  1. Rüppel, Neue Wirbelthiere von Abyssinien, 1835-40 ; Mamm., p. 39, pl. xiv. — Un bel exemplaire de cet animal se trouve au British Museum.