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ET CONCLUSIONS.

vu des exemples chez deux formes panachées de Euonymus et chez quelques Tulipes. Malgré la brusquerie de l’apparition des variétés de bourgeons, leurs caractères peuvent quelquefois se transmettre par reproduction séminale, et c’est ainsi que, d’après M. Rivers, les roses mousseuses se reproduisent généralement ; le caractère mousseux a aussi été transféré par croisement, d’une espèce de rosier à une autre. La pêche lisse de Boston, qui apparut par variation de bourgeon, a produit de graine une pêche lisse voisine. Nous avons cependant vu que, d’après M. Salter, la graine prise sur une branche devenue panachée par variation de bourgeons, n’a transmis que faiblement ce caractère, tandis que plusieurs plantes panachées provenant de graine, ont transmis leur panachure à une forte proportion de leurs descendants.

Bien que j’aie pu recueillir un bon nombre de cas de variations de bourgeons, et que j’en eusse probablement trouvé beaucoup d’autres en dépouillant des ouvrages d’horticulture étrangers, leur nombre est cependant très-faible en comparaison des variétés produites de graine. Dans les plantes cultivées les plus changeantes, le nombre des variations est presque infini, mais leurs différences sont généralement faibles ; ce n’est qu’à de longs intervalles qu’il surgit une modification marquée. D’autre part, il est singulier que, lorsque les plantes viennent de bourgeons, leurs variations, qui sont, relativement aux autres, plus rares, soient souvent et même ordinairement très-fortement prononcées. J’ai pensé que ce n’était peut-être qu’une illusion, et qu’il se pouvait que de légères modifications de bourgeons fussent encore fréquentes, mais étaient négligées ou passaient inaperçues à cause de leur peu de valeur. Je m’adressai donc à deux autorités d’une haute compétence en ces matières, M. Rivers pour les arbres fruitiers et M. Salter pour les fleurs. Le premier ne se rappelle pas d’avoir remarqué de légères modifications dans les bourgeons à fruits. M. Salter m’a appris qu’il s’en présente effectivement chez les fleurs, mais que, si on les propage, elles perdent leurs caractères dès l’année suivante ; il est cependant d’accord avec moi pour reconnaître que les variations de bourgeons prennent d’emblée des caractères permanents et bien accusés. Nous ne pouvons guère douter que ce ne soit la règle,