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MODES ANORMAUX

fleurs ou ses fruits, en tout ou partie, faire retour à l’une ou l’autre de ses formes parentes, comme le Cytisus Adami, ou l’orange Bizarria.

Examinons maintenant les quelques cas qu’on a observés, et qui sont favorables à l’opinion qu’une variété greffée sur une autre peut quelquefois affecter la souche entière, ou donner à son point d’insertion, naissance à un bourgeon, ou à un métis de greffe, participant à la fois des caractères tant du sujet que de la greffe.


On sait que lorsqu’on ente la variété panachée du Jasmin sur la forme ordinaire, celle-ci produit quelquefois des bourgeons portant des feuilles panachées ; M. Rivers me dit en avoir observé plusieurs exemples. Le même cas s’est présenté chez le Laurier-rose[1]. M. Rivers rapporte un cas de bourgeons de la variété panachée dorée d’un frêne, qui, entés sur le frêne commun, périrent tous à l’exception d’un seul ; la souche n’en fut pas moins affectée[2], et poussa, tant en dessus qu’en dessous du point d’insertion des lames d’écorce portant les bourgeons morts, des rameaux à feuilles panachées. J’ai reçu communication par M. J. Anderson Henry, d’un cas semblable, et M. Brown de Perth, a observé il y a bien des années dans les Highlands, un frêne à feuilles jaunes, dont des bourgeons entés sur le frêne commun, modifièrent ce dernier qui produisit le frêne Breadalbane tacheté. Cette variété a été propagée, et a depuis cinquante ans conservé ses caractères. Le frêne pleureur, enté sur le même sujet, est devenu également panaché. Plusieurs auteurs considèrent les panachures comme une maladie ; et d’après cette manière de voir, qui est douteuse, puisqu’un grand nombre de plantes panachées sont très-fortes et robustes, on pourrait regarder les faits qui précèdent comme le résultat d’une inoculation directe de la maladie. La panachure est, comme nous le verrons plus loin, fortement influencée par la nature du sol dans lequel croissent les plantes, et il ne serait pas impossible que les modifications que certains sols peuvent apporter à la sève et aux tissus, qu’on les appelle maladie ou non, pussent s’étendre du fragment de l’écorce de la greffe au sujet. Mais un changement de cette nature ne saurait être considéré comme analogue à un métis de greffe.

Il y a une variété du noisetier à feuilles pourpres foncées ; personne n’a jamais regardé cette coloration comme une maladie, car elle n’est apparemment qu’une exagération d’une teinte qui s’observe très-fréquemment sur les feuilles du noisetier commun. Lorsqu’on ente cette variété sur ce dernier[3], on a prétendu que les feuilles situées au-dessous de la greffe prenaient la même couleur, je dois toutefois ajouter que M. Rivers qui a

  1. Gärtner, O. C., p. 611, donne beaucoup de renseignements sur ce point.
  2. Bradley, Treatise on Husbandry, 1724, vol. I, p. 199, mentionne un cas très-analogue.
  3. Loudon, Arboretum, etc., vol. IV, p. 2595.