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VARIATIONS PAR BOURGEONS.

dans les fruits, fleurs, feuilles et tiges, n’ont porté que sur les bourgeons de branches, et ce n’est qu’incidemment que nous avons mentionné la variation de drageons dans les Roses, Pélargoniums et Chrysanthèmes. Je vais maintenant indiquer quelques exemples de variation dans les bourgeons souterrains, c’est-à-dire dans les tubercules et les bulbes, bien qu’il n’y ait aucune différence essentielle entre les bourgeons, qu’ils soient au-dessus ou au-dessous du sol. M. Salter m’apprend que deux variétés panachées de Phlox sont provenues de drageons, et qu’il a en vain essayé de les propager par division de racines, ce qui se fait très-facilement pour le Tussilago farfara panaché[1] ; mais il est possible que cette dernière plante dérive originairement d’un produit de semis panaché, ce qui expliquerait la plus grande fixité de ses caractères. L’épine-vinette (Berberis vulgaris) offre un cas analogue ; il en existe une variété dont le fruit est dépourvu de graines, et qu’on peut propager par boutures ou marcottes, mais les drageons retournent toujours à la forme commune, dont les fruits contiennent des graines[2] ; ces essais ont été souvent répétés par mon père, et toujours avec le même résultat.

Pour en venir aux tubercules, dans la pomme de terre commune (Solanum tuberosum), un seul bourgeon ou œil peut varier et produire une nouvelle variété ; ou occasionnellement, et ce qui est bien plus remarquable, tous les yeux d’un tubercule peuvent varier de la même manière et en même temps, de sorte que le tubercule tout entier acquiert un nouveau caractère. Par exemple, un seul œil d’un tubercule de l’ancienne variété pourpre de la Pomme de terre Forty-Fold étant devenu blanc[3], fut découpé et planté séparément, et donna une variété qui a été depuis largement répandue. Une plante de la pomme de terre Kemp, qui est blanche, produisit une fois, dans le Lancashire, deux tubercules rouges et deux blancs ; les rouges furent propagés à la manière habituelle par yeux et conservèrent leur nouvelle couleur, et la variété, ayant été reconnue plus productive, fut bientôt recherchée et répandue sous le nom de Taylor’s Forty-fold[4]. La variété ancienne, comme nous l’avons dit, était pourpre, mais une plante cultivée depuis longtemps dans le même sol a produit, non pas comme dans le cas précédent, un seul œil blanc, mais un tubercule tout entier de cette couleur, qu’on a depuis propagé et qui est resté constant[5]. On a signalé encore plusieurs cas de fortes portions de rangs entiers de pommes de terre ayant légèrement changé de caractères[6].

Sous l’influence du climat très-chaud de Saint-Domingue, les Dahlias

  1. M. Lemoine (cité dans Gardener’s Chronicle 1867, p.74) a récemment observé que le Symphitum à feuilles panachées ne peut pas être propagé par division des racines. Il a aussi trouvé que sur cinq cents plantes d’un Phlox à fleurs rayées qui avaient été propagées par division des racines, sept ou huit seulement eurent des fleurs rayées. Voir aussi pour les Pélargoniums rayés, Gard. Chron., 1867, p. 1000.
  2. Anderson, Recreations in Agriculture, vol. v, p. 152.
  3. Gardener’s Chronicle, 1857, p. 662.
  4. Ibid., 1841, p. 814.
  5. Ibid., 1857, p. 613.
  6. Ibid., 1857, p. 679. — Phillips, Hist. of Végétables, vol. II, p. 91, pour d’autres cas semblables.