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JACINTHES.
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l’une n’a que dix-huit pouces de haut. Les graines varient beaucoup de grosseur. Les pétales sont, ou uniformes de couleur, ou piquetés et rayés, et peuvent présenter une diversité presque infinie de nuances. On a pu lever, de la graine d’une même plante, quatorze[1] couleurs différentes, bien qu’en général les plantes provenant de semis suivent la couleur de la forme parente. L’époque de floraison a été considérablement avancée, ce qui est probablement le résultat d’une sélection continue. Salisbury, qui écrivait en 1808, dit qu’ils fleurissaient alors de septembre à novembre ; en 1828 on vit fleurir en juin quelques variétés naines nouvelles[2] ; et M. Grieve m’apprends que la Zelinda pourpre naine est en pleine floraison dans son jardin au milieu de juin, et quelquefois même plus tôt. On a remarqué chez quelques variétés des différences constitutionnelles ; ainsi il en est qui réussissent mieux dans une partie de l’Angleterre que dans une autre[3], et on a constaté que certaines variétés exigent plus d’humidité que leurs congénères[4].

Certaines fleurs, comme les Œillets, la Tulipe et la Jacinthe, qu’on croit provenir chacune d’une seule forme sauvage, présentent des variétés innombrables, différant presque toutes uniquement par la forme, la grandeur et la couleur des fleurs. Ces plantes, avec quelques autres très anciennement cultivées, qui ont été longtemps propagées par rejetons, bulbes, etc., deviennent si excessivement variables, que presque chaque plante levée de graine forme une variété nouvelle dont la description, comme l’écrivait Gerarde en 1597, serait un vrai travail de Sisyphe, et aussi impossible que de vouloir compter les grains de sable de la mer.

Jacinthe (Hyacinthus orientalis). — L’histoire de cette plante qui vient du Levant, et fut introduite, en 1596, en Angleterre[5], a quelque intérêt. D’après M. Paul, les pétales de la fleur primitive furent étroits, ridés, pointus, et d’une texture molle ; actuellement ils sont larges, solides, lisses et arrondis. La largeur, la position, la longueur de tout l’épi et la grosseur des fleurs ont augmenté, les couleurs se sont diversifiées et ont acquis plus d’intensité ; Gerarde, en 1597, en compte quatre, et Parkinson, en 1629, huit variétés. Aujourd’hui elles sont, très-nombreuses et l’ont été encore davantage il y a un siècle. M. Paul remarque qu’il est intéressant de comparer les Jacinthes de 1629 avec celles de 1864, et de constater les améliorations. Il s’est écoulé depuis lors deux cent trente-cinq ans, et cette simple fleur offre une excellente démonstration du fait, que les formes primitives de la nature ne demeurent pas stationnaires ni fixes, du moins lorsqu’elles sont soumises à la culture. En envisageant les extrêmes, il ne faut jamais oublier qu’il y a eu des formes intermédiaires qui sont perdues pour nous ; car si la nature peut quelquefois se permettre un saut, sa marche ordinaire est lente et graduelle. Il ajoute que l’horticulteur doit avoir dans son esprit un idéal de beauté, vers la réalisation

  1. Loudon’s Encyclop. of Gardening, p. 1035.
  2. Trans. Hort, Soc., vol. i, p. 91. — Loudon’s Gard. Mag., vol. iii, 1828, p. 179.
  3. M. Wildman, Gard. Chron., 1843, p. 87.
  4. Collage Gardener, 8 avril 1856, p. 33.
  5. M. Paul de Waltham, Gardener’s Chronicle, 1864, p. 342 ; la meilleure et la plus complète description de la jacinthe que je connaisse.