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FLEURS.

colorées. Les horticulteurs parlent souvent de la constance de telle ou telle forme, mais ils n’entendent pas par là, comme dans d’autres cas, que la plante transmet exactement ses caractères par graine, mais seulement que la plante considérée individuellement ne change pas par la culture. Cependant, même pour les variétés fugitives de la Pensée, le principe d’hérédité tient bon jusqu’à un certain point ; car, pour obtenir de bons résultats, il faut toujours semer la graine des bonnes sortes. Toutefois, dans un semis considérable, on voit souvent apparaître par retour quelques plantes presque sauvages. Si on compare les variétés les plus modifiées avec les formes sauvages qui s’en rapprochent le plus, outre les différences de grandeur, de forme et de couleur des fleurs, les feuilles varient quelquefois aussi de forme, et le calice peut différer par la longueur et la largeur des sépales. Il faut noter particulièrement les variations dans la forme du nectaire, parce qu’on s’est servi des caractères tirés de cet organe pour la distinction de la plupart des espèces du genre Viola. J’ai trouvé par la comparaison, en 1842, d’un grand nombre de fleurs, que dans la plupart, le nectaire était droit ; dans d’autres son extrémité était recourbée en crochet en dessus, en dessous, ou en dedans ; ou bien, au lieu d’être en crochet, il se dirigeait d’abord en bas, puis en arrière et en dessus ; dans d’autres l’extrémité était fort élargie ; enfin dans plusieurs le nectaire, déprimé à sa base, devenait latéralement comprimé vers son extrémité. D’autre part, je n’ai trouvé presque aucune variation dans le nectaire sur une grande quantité de fleurs que j’eus occasion d’examiner en 1856, et provenant d’une partie différente de l’Angleterre. M. Gay assure que, dans certaines contrées comme l’Auvergne, le nectaire de la V. grandiflora sauvage varie de la manière que je viens de décrire. Devons-nous conclure de là que les variétés cultivées que nous avons mentionnées en premier, descendent toutes de la V. grandiflora, et que le second lot, quoique présentant la même apparence générale, soit descendu de la V. tricolor, dont le nectaire, selon M. Gay, ne varie que peu ? Ou n’est-il pas plus probable que les deux formes sauvages, se trouvant dans d’autres conditions, puissent varier d’une manière analogue, et montrer ainsi qu’elles ne doivent pas être considérées comme étant spécifiquement distinctes ?

Le Dahlia a été mentionné par tous les auteurs qui ont traité de la variation des plantes, parce qu’on croit que toutes ses variétés descendent d’une espèce unique, et ont toutes apparu depuis 1802 en France et 1804 en Angleterre[1]. M. Sabine remarque qu’il semble qu’il ait fallu quelque temps de culture avant que les caractères fixes de la plante primitive aient cédé, et commencé à présenter tous les changements que nous recherchons actuellement[2]. La forme des fleurs, d’abord plate, est devenue globulaire ; il est apparu des races semblables aux anémones et aux renoncules[3], différant par la forme et l’arrangement des fleurons ; des races naines, dont

  1. Salisbury, Transact. Hort. Soc., vol. I, 1812, p. 84–92. Une variété demi-double a été produite en 1790 à Madrid.
  2. Trans. Hort. Soc., vol. III, 1820, p. 225.
  3. Loudon’s Gardener’s Magaz., vol. VI, 1830, p. 77.