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PENSÉES.

vingtaine de variétés[1]. Vers la même période, en 1813 ou 1814, lord Gambier ayant recueilli quelques plantes sauvages, les fît cultiver par son jardinier, M. Thomson, avec les variétés communes, et obtint ainsi de grandes améliorations. Le premier changement important fut la conversion des lignes foncées du milieu de la fleur en une tache centrale ou œil, qui n’existait pas auparavant, et est actuellement considérée comme une des premières conditions de la beauté de la pensée. On a publié, en 1835, un ouvrage consacré tout spécialement à cette fleur et, à cette même époque, quatre cents variétés distinctes étaient en vente. Cette plante me paraît digne d’être étudiée, en raison du contraste qui existe entre les fleurs petites, allongées et irrégulières de la pensée sauvage, et ces magnifiques fleurs plates, ayant plus de deux pouces de diamètre, symétriques, circulaires, veloutées, si splendidement colorées des belles pensées qu’on expose dans nos concours. Mais en examinant le sujet de plus près, je trouvai que, malgré l’origine récente de toutes les variétés, la plus grande confusion règne au sujet de leur parenté. Les fleuristes font descendre les variétés[2] de plusieurs souches sauvages, V. tricolor, lutea, grandiflora, amœna, et Altaica, plus ou moins entrecroisées, et sur la spécificité desquelles je ne trouve dans les ouvrages de botanique que doute et confusion. La Viola Altaica paraît être une forme distincte, mais je ne sais quelle part elle peut avoir prise à la formation de nos variétés ; on dit qu’elle a été croisée avec la V. lutea. Tous les botanistes regardent aujourd’hui la V. amœna[3] comme une variété naturelle de la V. grandiflora, qu’on a montré être, ainsi que la V. sudetica, identique à la V. lutea. Babington regarde cette dernière, avec la V. tricolor et sa variété V. arvensis, comme des espèces distinctes, c’est aussi l’opinion de M. Gay[4], qui a spécialement étudié le genre ; mais la distinction spécifique entre la V. lutea et tricolor est principalement basée sur ce que l’une est complètement vivace, et l’autre moins, ainsi que sur quelques autres différences insignifiantes dans la forme de la tige et des stipules. Bentham réunit les deux formes, et M. H. C. Watson[5] remarque que, tandis que la V. tricolor passe à l’arvensis d’une part, elle se rapproche tellement d’autre part de la V. lutea et Curtisii, qu’il n’est pas facile d’établir une distinction entre elles.

Donc, après avoir comparé de nombreuses variétés, je renonçai à la tentative comme trop difficile pour quiconque n’est pas botaniste de profession. La plupart des variétés présentent des caractères si inconstants que, lorsqu’elles poussent dans des sols pauvres, ou fleurissent hors de leur saison ordinaire, elles produisent des fleurs plus petites et différemment

  1. Loudon’s Gard. Mag., vol. XI, 1835, p. 427. — Journ. of Hort., 14 avril 1863, p. 275.
  2. Loudon, ibid., vol. VIII, p. 575 ; vol. IX, p. 689.
  3. Sir J. E. Smith, English Flora, vol. I, p. 806. — H. C. Watson, Cybele Britannica, vol. I, 1847, p. 181.
  4. Cité des Annales des Sciences dans Companion to the Bot. Mag., vol. I, 1835, p. 159.
  5. Cybele Britannica, vol. I, p. 173. — Dr Herbert, Transact. Hort. Soc., vol. IV, p. 19, sur les changements de couleur dans les individus transplantés, et sur les variations naturelles de la V. grandiflora.