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ARBRES.

Les arbres plantés par l’homme dans les bois ou les haies, ne poussent pas là où ils pourraient naturellement conserver leur place et lutter contre tous leurs concurrents, et ne sont, par conséquent, pas dans des conditions tout à fait normales, et un pareil changement, quoique faible, doit probablement suffire pour déterminer quelque variabilité dans les rejetons provenant de leurs graines. Que nos arbres à demi sauvages d’Angleterre soient ou non, d’une manière générale, plus variables que ceux qui croissent naturellement dans les forêts, il n’en est pas moins certain qu’ils ont donné naissance à un beaucoup plus grand nombre de variétés, caractérisées par des conformations singulières et bien accusées.

Quant au mode de croissance, nous avons les variétés pendantes ou pleureuses, de saule, de l’ormeau, du chêne, de l’if et d’autres arbres : et ce facies est quelquefois, quoique d’une manière capricieuse, héréditaire. Dans le peuplier de Lombardie, et dans certaines variétés fastigiées ou pyramidales d’épines, genévriers, chênes, etc., nous avons un mode de croissance opposé. Le chêne hessois[1], célèbre par son port fastigié et sa taille, n’a presque aucune ressemblance apparente avec le chêne ordinaire, ses glands ne produisent pas toujours sûrement des plantes du même facies, quoique cela puisse arriver. Un autre chêne de même apparence a été, dit-on, trouvé sauvage dans les Pyrénées, et ce qui est surprenant, c’est qu’il transmet généralement si bien ses caractères par graine, que De Candolle l’a regardé comme spécifiquement distinct[2]. Le Genévrier fastigié (J. suecica) transmet également ses caractères par graine[3]. J’apprends du Dr Falconer que dans le Jardin botanique de Calcutta, sous l’action de l’excessive chaleur, les pommiers deviennent fastigiés, ce qui nous montre que les effets du climat et une tendance spontanée innée, peuvent produire les mêmes résultats[4].

Les feuilles sont quelquefois panachées, caractère qui est souvent héréditaire ; d’un pourpre foncé ou rouge, comme dans le noisetier, l’épine-vinette et le hêtre. Dans ces deux derniers arbres, la couleur peut être fortement ou faiblement héréditaire[5] ; les feuilles peuvent être profondément découpées, ou couvertes de piquants, comme dans la variété ferox du houx, qui peut se reproduire par graine[6]. En fait, presque toutes les variétés particulières manifestent une tendance plus ou moins prononcée à se propager par graine[7]. C’est d’après Bosc[8], jusqu’à un certain point, le cas pour trois variétés de l’ormeau, celle à feuilles larges, à feuilles de tilleul, et l’ormeau tordu ; dans ce dernier les fibres du bois elles-mêmes sont tordues. Même chez le charme hétérophylle (Carpinus betulus), qui porte

  1. Gard. Chron., 1842, p. 36.
  2. Loudon’s Arboretum, etc., vol. III, p. 1731.
  3. Id., ibid., vol. IV, p. 2489.
  4. Godron, O. C., t. II, p. 91, décrit quatre variétés de Robinia remarquables par leur mode de croissance.
  5. Journal of hort. Tour, by Caledonian Hort. Soc., 1823, p. 107. — Alph. de Candolle, O. C., p. 1083. — Verlot, sur la Production des variétés, 1865, p. 55, pour l’épine-vinette.
  6. Loudon’s Arboretum, etc. vol. II, p. 508.
  7. Verlot, O. C., p. 92.
  8. Loudon, O. C., vol. III, p. 1376.