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FRUITS.

nières, vu leur dépense de pollen, donnent moins de fruit que les femelles.

Les variétés diffèrent par leur constitution. Quelques-unes de nos meilleures fraises anglaises, telle que les « Keen Seedlings, » sont trop délicates pour certaines parties de l’Amérique du Nord, où d’autres variétés anglaises et américaines réussissent à merveille. La belle variété « British Queen » ne réussit que dans peu d’endroits tant en Angleterre qu’en France, mais ceci paraît dépendre plutôt de la nature du sol que de celle du climat ; et un horticulteur expérimenté a dit qu’il serait impossible de faire réussir la British Queen dans le parc de Shrubland, sans changer entièrement la nature de son sol[1]. La « Constantine » est une des variétés les plus robustes, et peut supporter les hivers de Russie, mais elle est facilement brûlée par le soleil, ce qui l’empêche de réussir dans certains sols en Angleterre et aux États-Unis[2]. Le fraisier « Filbert Pine » exige plus d’eau qu’aucune autre variété, et est à peu près perdu, dès qu’il a une fois souffert de la sécheresse[3]. Le fraisier « Prince Noir de Cuthill » est tout particulièrement sujet aux moisissures, on a cité pas moins de six cas dans lesquels cette variété a souffert fortement de l’invasion de ces cryptogames, à côté d’autres variétés traitées de la même manière, et qui n’ont nullement été atteintes[4]. L’époque de la maturation du fruit varie aussi beaucoup ; certaines variétés de fraisiers des bois et des Alpes pouvant donner, dans le courant de l’été, une série de récoltes.

Groseiller épineux (Ribes grossularia). — Personne, que je sache, n’a encore mis en doute la provenance de toutes les formes cultivées, de la plante sauvage qui porte ce nom, et qui est commune dans le centre et le nord de l’Europe ; il sera donc utile d’examiner les points peu importants d’ailleurs, qui ont subi des variations ; et, si on admet que leurs différences soient dues à la culture, on sera peut-être moins prompt à affirmer pour nos autres plantes cultivées, l’existence d’un grand nombre de souches primitives inconnues. Les auteurs de la période classique ne parlent pas du groseiller. Turner en fait mention en 1573 ; Parkinson, en 1629, en signale huit variétés ; le catalogue de la Société d’horticulture pour 1842 en donne 149 ; et les listes des pépiniéristes du Lancashire renferment plus de 300 noms[5]. Dans le « Registre du producteur de Groseilles » pour 1862, je trouve qu’à diverses époques 243 variétés distinctes ont reçu des prix ; il faut donc qu’on en ait exposé un nombre considérable. Il n’y a sans doute que peu de différences entre un grand nombre d’entre elles, mais M. Thompson, en les classant pour la Société d’horticulture, a trouvé dans leur nomenclature beaucoup moins de confusion que dans tous les autres fruits, fait qu’il attribue à l’intérêt qu’ont les horticulteurs à dénoncer les formes dont les noms sont incorrects, ce qui prouve que toutes, si nombreuses qu’elles puissent être, sont reconnaissables d’une manière certaine.

  1. M. Beaton, Cottage Gardener, 1860, p. 86 ; — ibid., 1855, p. 88. — Pour le continent, F. Gloede, dans Gardener’s Chronicle, 1862, p. 1053.
  2. Rev. W. F. Radcliffe, Journ. of Hort., 1865, p. 207.
  3. M. H. Doubleday, Gardener’s Chronicle, 1862, p. 1101.
  4. Gardener’s Chronicle, 1854, p. 254.
  5. Loudon, Encyc. of Gardening, p. 930. — Alph. de Candolle, O. C., p. 510.