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FRUITS.

qui est conforme au principe des variations analogiques, qu’on peut obtenir de la graine de chacune de ces formes, des variétés semblables.

Depuis l’époque de Knight, nous avons de nombreuses et nouvelles preuves[1] de l’étendue des croisements qui peuvent avoir lieu spontanément parmi les formes américaines ; c’est même à ces croisements que nous devons la plupart de nos variétés actuelles les plus exquises. Knight n’avait pas réussi à croiser la fraise des bois européenne avec l’Écarlate américaine ou avec les Hautbois. M. Williams de Pitmaston y est parvenu ; mais les produits métis des Hautbois, quoique développant bien leur fruit, n’ont donné qu’une fois de la graine, qui a reproduit la forme hybride parente[2]. Le major R. Trevor Clarke m’apprend qu’il a croisé deux membres de la classe des Carolines avec les fraisiers Hautbois et l’ordinaire, et n’a obtenu dans chaque croisement qu’une seule plante, dont une donna des fruits, mais fut stérile. M. W. Smith, de York, a essayé de faire des hybrides semblables, mais avec aussi peu de succès[3]. Ceci nous montre[4] qu’on ne peut croiser que difficilement les espèces européennes et américaines, et qu’il est peu probable qu’on puisse jamais produire par ce moyen des métis assez fertiles pour qu’ils soient avantageux à cultiver ; mais ce fait est étonnant, car ces formes sont peu différentes par leur conformation, et d’après les renseignements que m’a donnés le professeur Asa Gray, sont souvent reliées les unes aux autres, dans les localités où elles croissent à l’état sauvage, par des formes intermédiaires embarrassantes. Ce n’est que depuis peu que la culture de la fraise a pris un grand développement, et dans la plupart des cas on peut encore classer les variétés cultivées sous l’une des cinq espèces décrites précédemment. Les fraises américaines, grâce à la facilité avec laquelle elles se croisent spontanément, ne tarderont sans doute pas à se confondre d’une manière inextricable. Déjà les horticulteurs ne sont plus d’accord sur le groupe auquel il faut rattacher un certain nombre de variétés, et un auteur dit, dans le Bon Jardinier de 1840, qu’autrefois on pouvait encore les rapporter toutes à une des espèces connues, mais que cela est devenu impossible depuis l’introduction des formes américaines, les nouvelles variétés anglaises ayant comblé toutes les lacunes qui pouvaient exister entre elles[5]. Nous voyons donc actuellement s’opérer dans nos fraisiers le mélange intime de deux ou plusieurs formes primitives, fait qui, nous avons toute raison de le croire, a dû avoir lieu chez plusieurs de nos productions végétales anciennement cultivées.

Les espèces cultivées présentent des variations dignes d’attention. Le « Prince-Noir, » produit de graine de « l’Impérial Keen » (ce dernier étant lui-même le produit de graine d’une fraise blanche, la Caroline blanche), est remarquable par sa surface polie et foncée, et par son apparence, qui

  1. Gardener’s Chronicle, 1862, p. 335, et 1858 p. 172. — Barnet, Transact. of Hort. Soc., 1826, vol. VI, p. 170.
  2. Transact. of Hort. Soc., vol.v, 1824, p. 294.
  3. Journ. of Hort., 1862, p. 779. — Prince, même ouvrage, 1863, p. 418.
  4. Journ. of Hort., 1862, p. 721.
  5. Comte L. de Lambertye, O. C., p. 221, 230.