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CERISIERS.

M. Rivers[1] a recueilli un grand nombre de faits intéressants, montrant que plusieurs variétés peuvent se propager par graines, et transmettre exactement leurs caractères. Ayant semé environ vingt boisseaux de noyaux de Reine-Claude, et observé toutes les plantes levées de ce semis, il a constaté que toutes avaient les tiges lisses, les bourgeons saillants, et les feuilles luisantes de la Reine-Claude, mais que dans la plupart, les feuilles et les épines étaient plus petites. Il y a deux sortes de pruniers de Damas, celui du Shropshire à tiges tomenteuses, et celui de Kent à tiges lisses, les deux ne différant d’ailleurs pas sous d’autres rapports ; M. Rivers ayant semé quelques boisseaux de noyaux du dernier, obtint des plantes toutes à tige lisse, avec fruits ovales dans les unes, ronds dans les autres, petits dans quelques individus, et, sauf la douceur, très-semblables à ceux du prunellier sauvage. Le même auteur donne encore d’autres exemples frappants d’hérédité ; ainsi il a levé de semis quatre-vingt mille plantes de la prune « Quetsche » d’Allemagne, sans en trouver une présentant la moindre variation. La petite Mirabelle a fourni des faits analogues, et cependant cette forme (aussi bien que la Quetsche du reste), a donné naissance à quelques variétés bien constantes, mais qui, selon M. Rivers, appartiennent toutes au même groupe qu’elle.

Cerisiers (Prunus cerasus, avium, etc.). — Les botanistes admettent que nos cerises cultivées proviennent de une, deux, quatre ou même davantage de souches sauvages[2]. Nous pouvons croire à l’existence d’au moins deux souches primitives, d’après les faits de stérilité observés par Knight sur vingt hybrides provenant de la variété Morello, fécondée par le pollen de la variété « Elton, » et qui ne produisirent entre eux tous que cinq cerises, dont une seule contenait une graine[3]. M. Thompson[4] a classé les variétés en deux groupes principaux, d’après des caractères tirés des fleurs, des fruits et des feuilles ; mais quelques-unes d’entre elles, qui dans cette classification se trouvent très-éloignées, sont parfaitement fertiles lors qu’on les croise. C’est d’un croisement entre deux formes qui sont dans ce cas, que provient la cerise noire précoce de Knight.

M. Knight assure que les cerisiers levés de graine sont beaucoup plus variables que les semis d’aucun autre arbre fruitier[5]. Dans le catalogue pour 1842, de la Société d’horticulture, on trouve énumérées quatre-vingts variétés. Quelques-unes offrent des caractères singuliers ; ainsi la fleur de la cerise « Cluster, » renferme jusqu’à douze pistils, dont la plupart avortent, et elles produisent généralement de deux à cinq ou six cerises réunies sur le même pédoncule. Dans la cerise Ratafia, plusieurs pédicelles floraux partent d’un pédoncule commun ayant plus d’un pouce de long. Le fruit du cerisier « Gascoigne’s Heart » a son sommet terminé par un globule,

  1. Gardener’s Chronicle, 1863, p. 27. — Sageret, Pomologie phys., p. 346, énumère en France cinq variétés qui se propagent par graine. — Voir aussi Downing, O. C., p. 305, 312, etc.
  2. Alph. de Candolle, O. C., p. 877. — Bentham et Targioni-Tozzetti, Hort. Jour. vol. IX, p. 163. — Godron, O. C., t. II, p. 92.
  3. Trans. Hort. Soc., vol. v, 1824, p. 295.
  4. Ibid., (2e  série) vol. I, 1835, p. 248.
  5. Ibid., vol. II, p. 138.