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FRUITS.

amande, que M. Rivers a cultivée autrefois, et qui est décrite dans un catalogue français comme ovale et renflée, ayant l’aspect d’une pêche, et contenant un noyau dur entouré d’une enveloppe charnue qui est quelquefois mangeable[1]. M. Luizet a publié récemment dans la Revue Horticole[2] le fait remarquable d’un pêcher-amandier greffé sur un pêcher, qui ne porta en 1863 et 1864 que des amandes, et donna en 1865, six pêches et point d’amandes. M. Carrière, commentant ce fait, cite un cas d’un amandier à fleurs doubles, qui, après avoir donné durant plusieurs années des amandes, produisit pendant les deux années suivantes, des fruits sphériques charnus et semblables à des pêches, puis revint, en 1865, à son état précédent, et donna de grosses amandes.

M. Rivers m’apprend que les pêchers chinois à fleurs doubles ressemblent aux amandiers par leur mode de croissance et leurs fleurs ; leur fruit est très-allongé et aplati, sa chair à la fois douce et amère, n’est pas immangeable, mais paraît être de meilleure qualité en Chine. Un pas de plus nous amène aux pêches inférieures que nous obtenons parfois de graine. Ainsi M. Rivers ayant semé des noyaux de pêches importés des États-Unis, obtint ainsi quelques plantes qui produisirent des pêches très-semblables à des amandes, par leur petitesse, leur dureté et la nature de leur pulpe, qui ne s’attendrissait que fort tard en automne. Van Mons[3] a aussi vu un arbre provenant d’un noyau de pêche, qui ressemblait exactement à une plante sauvage et donna des fruits analogues à l’amande. Depuis les pêches inférieures, telles que celles que nous venons de décrire, on peut trouver toutes les transitions, passant par les pêches à noyau adhérent à la pulpe, jusqu’à nos variétés les plus succulentes et les plus savoureuses. Je crois donc que, vu ces gradations, la brusquerie de certaines variations, et l’absence de toute forme sauvage, il est fort probable que la pêche provienne de l’amande, améliorée et modifiée d’une manière étonnante.

Il est cependant un fait qui paraît contraire à cette conclusion. Un hybride obtenu par Knight de l’amandier doux par le pollen d’un pêcher, produisit des fleurs n’ayant que peu ou point de pollen, et qui donnèrent des fruits, mais apparemment sous l’action fertilisante d’un pêcher lisse voisin. Un autre hybride de l’amandier doux, fécondé par le pollen d’une pêche lisse, ne donna, pendant les trois premières années, que des fleurs incomplètes, mais ensuite elles devinrent parfaites et riches en pollen. Si on ne peut rendre compte de cette faible stérilité, par leur jeunesse (circonstance qui souvent occasionne une diminution de la fertilité), par l’état monstrueux de leurs fleurs, ou par les conditions dans lesquelles ces plantes se sont trouvées, ces deux cas fourniraient une objection assez forte contre l’admission de la descendance du pêcher de l’amandier.

  1. Je ne sais si cette variété est la même qu’une récemment mentionnée par M. Carrière, dans Gardener’s Chronicle, 1865, p. 1154, sous le nom de Persica intermedia, qui est, par tous ses caractères, intermédiaire entre la pêche et l’amande, et produit, suivant les années, des fruits très-différents.
  2. Cité dans Gardener’s Chronicle, 1866, p. 800.
  3. Journ. de la Soc. imp. d’Agriculture, 1855, p. 238.