Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/363

Cette page a été validée par deux contributeurs.
347
POIS.

forme et leur qualité, et dont quelques-unes se reproduisent par graines. D’après ce qui est arrivé à la carotte et à quelques autres plantes, telles que les nombreuses variétés et sous-variétés du radis, on aurait tort de conclure que les parties estimées de l’homme et ayant pour lui de la valeur aient été les seules à varier. Il est vrai que ce n’est qu’à ces variations-là qu’il a appliqué la sélection, et les jeunes plantes ayant hérité de la tendance à varier de la même manière, les modifications analogues ont encore été choisies et conservées, jusqu’à ce qu’il en soit résulté des changements considérables.

Pois (Pisum sativum). — Les botanistes considèrent le pois de jardin comme spécifiquement distinct du pois des champs (P. arvense). Ce dernier se trouve sauvage dans l’Europe méridionale, mais l’ancêtre primitif du premier paraît avoir été rencontré en Crimée[1]. Andrew Knight a croisé le pois des champs avec une variété bien connue dans les jardins, le pois prussien, croisement qui s’est montré parfaitement fertile. Le docteur Alefeld a récemment étudié ce genre avec soin[2], et après en avoir cultivé une cinquantaine de variétés, il est arrivé à la conclusion qu’elles appartenaient certainement toutes à la même espèce. D’après O. Heer[3], les pois trouvés dans les habitations lacustres de la Suisse des périodes de la pierre et du bronze, appartiennent à une variété éteinte, voisine du pois des champs, P. arvense, et dont les grains sont excessivement petits. Le pois ordinaire des jardins offre un grand nombre de variétés, qui peuvent différer considérablement les unes des autres. J’ai, à titre de comparaison, planté ensemble quarante et une variétés anglaises et françaises, dont je vais pour cette fois signaler les différences. Les variétés diffèrent beaucoup par leur taille — allant depuis 6–12 pouces jusqu’à 8 pieds[4], — par leur mode de croissance et l’époque de leur maturité. Quelques-unes offraient déjà un aspect différent lorsqu’elles n’avaient que deux ou trois pouces de hauteur. Les tiges du pois prussien sont très-branchues. Dans les grandes variétés les feuilles sont plus grandes que dans les petites, mais pas dans une proportion exacte avec leur hauteur : — dans la variété Monmouth naine (Hair’s Dwarf Monmouth), les feuilles sont très-grandes ; dans le Pois nain hâtif et la variété moyenne bleue prussienne, les feuilles ont à peu près les deux tiers de celles des variétés les plus hautes. Dans les Danecroft, les folioles sont petites et un peu pointues, plutôt arrondies dans la Queen of Dwarfs (Reine des Naines), grandes et larges dans la Reine d’Angleterre. Dans ces trois sortes de pois, de légères variations de couleur accompagnent les différences dans la forme des feuilles. Dans le Pois géant sans parchemin, dont les fleurs sont pourpres, les folioles sont bordées de rouge dans les jeunes plantes, et dans

  1. Alph. de Candolle, Géogr. bot., p. 960. — M. Bentham, Hort. Journ., vol. IX, 1855, p. 141, croit que les pois de jardin et des champs appartiennent à la même espèce, opinion qui n’est pas celle du Dr Targioni.
  2. Botanische Zeitung, 1860, p. 204.
  3. O. C., 1866, p. 23.
  4. Une variété dite Rouncival atteint cette hauteur d’après M. Gordon, dans Transact. Hort. Soc., (2e série), vol. I, 1835, p. 374, auquel j’ai emprunté quelques faits.