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CÉRÉALES.

auraient à la longue pris une couleur jaune ; mais Bonafous[1] a trouvé que la teinte de la plupart de celles qu’il a semées pendant dix ans, était restée constante ; il ajoute que dans les Pyrénées et les plaines du Piémont, on cultive depuis plus d’un siècle un maïs blanc qui n’a éprouvé aucun changement.

Les variétés hautes croissant sous les latitudes méridionales, où elles sont par conséquent soumises à une température élevée, mûrissent leurs graines au bout de six à sept mois : les espèces plus petites, qui croissent dans les climats plus froids, mûrissent dans trois ou quatre mois[2]. P. Kalm[3], dit qu’aux États-Unis, les plantes diminuent de taille en allant du midi au nord. Les graines provenant de la Virginie sous 37° de latitude, et semées dans la Nouvelle-Angleterre sous 43°–44°, donnent des plantes dont la graine ne mûrit qu’avec la plus grande difficulté, et même pas du tout. Il en est de même des graines transportées de la Nouvelle-Angleterre à 45°–47° de latitude, au Canada. Avec des soins et après quelques années de culture, les variétés méridionales arrivent à bien mûrir plus au nord, fait analogue à celui que nous avons déjà vu de la conversion de froment d’été en froment d’hiver, et vice versâ. Lorsqu’on plante ensemble des maïs de grande et de petite taille, les derniers sont en pleine floraison, avant que les premiers aient poussé une seule fleur, et en Pensylvanie ils mûrissent six semaines plus tôt que les grands maïs. Metzger parle d’un maïs d’Europe, qui mûrit un mois plus tôt qu’aucune des autres formes européennes. D’après ces faits, qui témoignent si évidemment de l’hérédité de l’acclimatation, nous pouvons sans peine croire Kalm, lorqu’il assure qu’on a pu, dans l’Amérique du Nord, pousser graduellement la culture du maïs, toujours plus vers le nord. Tous les auteurs sont d’accord que, pour conserver les variétés de maïs pures, il faut les planter séparément afin d’éviter les croisements.

Les effets du climat européen sur les variétés américaines sont très-remarquables. Metzger a semé et cultivé en Allemagne, des graines de maïs provenant de plusieurs parties de l’Amérique, et voici entre autres quels ont été les changements observés dans une variété[4] de haute taille, originaire des parties plus chaudes de ce pays (Zea altissima, Breit-körniger Mays). À la première année, les plantes atteignirent douze pieds de hauteur, mais ne donnèrent qu’un petit nombre de graines mûres ; les grains inférieurs de l’épi conservèrent leur forme propre, mais les supérieurs présentèrent quelques changements. À la seconde génération, les plantes donnèrent plus de graines mûres, mais ne dépassèrent pas une hauteur de huit à neuf pieds ; la dépression de la partie extérieure des grains avait disparu, et leur couleur primitivement d’un blanc pur, s’était un peu ternie. Quelques grains étaient même devenus jaunes, et approchaient de la forme de ceux du maïs européen par leur rondeur. À la troisième génération, ils ne ressemblaient presque plus du tout à la forme originelle

  1. Voyages dans l’Amér. mérid., t. I, p. 13.
  2. Metzger, O. C., p. 206.
  3. Description du maïs, par P. Kalm, 1752 ; dans Actes suédois, vol. IV.
  4. Metzger, O. C., p. 208.