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CÉRÉALES.

dis qu’il serait dans l’impossibilité de le faire, s’il voulait lui en substituer une autre, peut-être meilleure en apparence. » Ce résultat peut être en partie dû, à ce que chaque sorte s’est habituée à ses conditions extérieures, ainsi que le prouvent les essais de Metzger, mais probablement surtout à des différences innées qui existent entre les diverses variétés.

On a beaucoup écrit sur la dégénérescence du froment ; il est presque certain que la qualité de la farine, la grosseur du grain, l’époque de floraison, et la rusticité, peuvent être modifiées par le sol et le climat ; mais, il n’y a pas de raison pour croire qu’une sous-variété puisse, dans son ensemble, se transformer en une autre sous-variété distincte. Ce qui doit arriver, d’après Le Couteur[1], c’est que, parmi les nombreuses sous-variétés qu’on peut reconnaître dans un même champ, il s’en trouve une qui, plus forte ou plus prolifique que les autres, finit par graduellement supplanter celle qui avait été semée la première.

Quant à ce qui est relatif aux croisements naturels entre les diverses variétés, les faits sont contradictoires, mais semblent cependant indiquer que de tels mélanges ne sont pas fréquents. Plusieurs auteurs admettent que la fécondation a lieu dans la fleur fermée, mais mes observations m’autorisent à affirmer que cela n’est pas le cas, du moins dans les variétés que j’ai examinées. Mais comme j’aurai à discuter ce sujet dans un autre ouvrage, je le laisserai pour le moment de côté.


Pour conclure, tous les auteurs admettent l’existence de nombreuses variétés de froment, mais dont les différences sont peu importantes, à moins cependant que les soi-disantes espèces ne soient considérées comme étant elles-mêmes des variétés. Ceux qui admettent l’existence primitive de quatre à sept espèces de Triticum sauvage, dans des conditions analogues à celles où elles sont aujourd’hui, basent surtout leur opinion sur la grande antiquité des diverses formes[2]. Nous avons eu récemment connaissance, par les admirables recherches de Heer[3], du fait important que les habitants de la Suisse, déjà dès la période néolithique, ne cultivaient pas moins de dix céréales, dont cinq sortes de froment, sur lesquelles quatre sont ordinairement regardées comme des espèces distinctes ; trois d’orge ; un Panicum et une Setaria. Si on pouvait prouver que, dès les tout premiers commencements de l’agriculture,

  1. O. C., p. 59. — M. Sheriff, dont l’autorité est incontestable dit dans Gardener’s Chronicle et Agricult. Gazette, 1862, p. 963 : « Je n’ai jamais vu de grains qui aient été assez améliorés ou dégénérés par la culture, pour transmettre leurs changements à la récolte suivante. »
  2. Alph. de Candolle, O. C., p. 930.
  3. Pflanzen der Pfahlbauten, 1866.