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CÉRÉALES.


Céréales. — Abordons maintenant les détails. Les céréales cultivées en Europe appartiennent à quatre genres, qui sont : le froment, le seigle, l’orge et l’avoine. Les autorités modernes les plus compétentes[1] admettent quatre, cinq et même sept espèces distinctes de froment, une de seigle, trois d’orge, et deux, trois ou quatre d’avoine, soit en tout, d’après les divers auteurs, de dix à quinze espèces différentes, qui ont donné naissance à une multitude de variétés. Il est remarquable que les botanistes ne s’accordent sur la forme primitive d’aucune céréale. Ainsi, l’un d’eux écrivait, en 1855 :[2] « Nous n’hésitons pas à affirmer notre conviction, basée sur les preuves les plus évidentes, qu’aucune de nos céréales cultivées, n’existe ni n’a existé à l’état sauvage dans son état actuel, mais que toutes sont des variétés cultivées d’espèces qui se trouvent encore en abondance, dans l’Europe méridionale ou l’Asie occidentale. » M. Alph. de Candolle[3] a, d’autre part, montré que le froment commun (Triticum vulgare), a été trouvé sauvage dans différentes parties de l’Asie, où on ne peut pas le considérer comme échappé de culture. M. Godron fait, à ce sujet, la remarque que, même en supposant que ces plantes doivent leur origine à des graines échappées à l’agriculture[4], puisqu’elles se sont propagées par elles-mêmes pendant de nombreuses générations à l’état sauvage, leur ressemblance persistante au froment cultivé est une preuve probable que ce dernier a conservé ses caractères primitifs.

M. de Candolle appuie fortement sur l’apparition fréquente, en Autriche, de seigle et d’une espèce d’avoine dans un état, en apparence sauvage. Exceptant ces deux cas, qui sont à la vérité un peu douteux, et deux autres formes de froment et une d’orge, que M. de Candolle croit avoir été reconnues à l’état vraiment sauvage, cet auteur ne paraît pas être complètement satisfait des autres formes qu’on a présentées comme les souches primitives de nos céréales. D’après M. Buckman[5], quelques années de culture soigneuse et de sélection peuvent convertir l’Avena fatua, espèce sauvage d’avoine anglaise, en des formes presque identiques à deux races cultivées et fort distinctes. En somme, l’origine et la distinction spécifique des diverses céréales, sont des sujets très-difficiles à traiter ; peut-être pourrons-nous mieux établir un jugement, après avoir étudié l’étendue des variations que, dans le cours prolongé de sa culture, le froment a éprouvées.

  1. Alph. de Candolle, O. C., p. 928 et suivantes. — Godron, O. C., t. II, p. 70. — Metzger, Die Getreidearten, etc., 1841.
  2. M. Bentham, dans Hist. notes on cultivated plants, etc. Journal of Hort. Soc., vol. IX, 1855, p. 133.
  3. O. C., p. 928.
  4. Godron, de l’Espèce, t. II, p. 72. — Les excellentes observations de M. Fabre, faites il y a quelques années, mais mal interprétées, avaient conduit quelques personnes à croire que le froment était le descendant modifié de l’Ægilops ; mais M. Godron (t. I, p. 165), a démontré par des expériences soigneuses, que le premier terme de la série, l’Ægilops triticoïdes, est un métis du froment et de l’Ægilops ovata. La fréquence avec laquelle ces métis se manifestent spontanément, et la transformation graduelle de l’Æ. triticoïdes en vrai froment laissent encore planer quelques doutes sur ce sujet.
  5. Report to British Association for 1857, p. 207.