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SUR LES PLANTES CULTIVÉES.

qu’ils avaient pilées et laissées fermenter pendant plusieurs jours, pour leur enlever une partie de leurs propriétés vénéneuses ; il ajoute qu’ils cuisaient et mangeaient plusieurs autres plantes délétères. Dans l’Afrique du Sud, Sir A. Smith m’informe que, dans les moments de disette, on consomme un grand nombre de fruits et de feuilles succulentes, et surtout des racines. Les naturels connaissent même les propriétés d’une grande quantité de plantes, que, dans des moments de détresse, ils ont reconnues mangeables, nuisibles à la santé, ou meurtrières. Il rencontra un parti de Baquanas, qui, expulsés par le conquérant Zulus, avaient, depuis quelques années, vécu de racines et de feuilles contenant fort peu de nourriture, mais qui, en leur distendant l’estomac, calmaient les angoisses de la faim. Ils semblaient des squelettes ambulants, et souffraient horriblement de constipation. Sir A. Smith m’apprend aussi que, dans ces circonstances, et pour se guider par leur exemple, les naturels observent ce que mangent les animaux sauvages, surtout les singes.

C’est par des expériences innombrables faites par les sauvages de tous les pays, sous l’empire de la nécessité, et dont la tradition a transmis les résultats, qu’ont été découvertes les propriétés nutritives, stimulantes ou médicinales des plantes. Il semble, à première vue, étonnant que l’homme sauvage ait, dans trois parties éloignées du globe, découvert au milieu d’une multitude de plantes indigènes, que les feuilles du thé et les baies du caféier renfermaient une essence nutritive et stimulante, dont l’analyse chimique a plus tard démontré l’identité. Nous voyons aussi que les sauvages, souffrant de la constipation, ont dû observer naturellement quelles étaient parmi les racines qu’ils mangeaient, celles qui avaient des propriétés apéritives. Nous devons ainsi probablement toutes nos connaissances sur les usages et les vertus des plantes, au fait que l’homme, ayant à l’origine vécu à l’état barbare, a souvent été contraint par le besoin à essayer comme nourriture à peu près tout ce qu’il pouvait mâcher et avaler. D’après ce que nous savons des habitudes des sauvages dans les différentes parties du globe, il n’y a pas de raison pour supposer que nos céréales aient primitivement existé à leur état actuel, si précieux pour l’homme. Voyons ce qu’il en est dans le continent africain.