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LEURS DIFFÉRENCES

peut admettre que le défaut d’usage de leurs ailes, pendant autant de générations, a dû contribuer pour une forte part à ce résultat.

Dans plusieurs races, les femelles ne collent pas leurs œufs aux surfaces sur lesquelles elles les déposent[1], ce qui, d’après le capitaine Hutton[2], provient seulement de ce que les glandes de l’oviducte sont affaiblies.

De même que pour d’autres animaux dès longtemps domestiqués, les instincts du Bombyx ont été altérés. Les vers à soie placés sur un mûrier, commettent souvent l’étrange erreur de ronger la tige de la feuille sur laquelle ils se trouvent, et tombent par conséquent à terre ; mais, d’après M. Robinet[3], ils sont capables de remonter par le tronc. Cette capacité leur fait cependant quelquefois défaut, car M. Martins[4], ayant posé quelques vers sur un arbre, ceux qui tombèrent ne purent remonter, et périrent de faim ; il ne leur était même pas possible de passer d’une feuille sur une autre.

Quelques-unes des modifications subies par le Bombyx du ver à soie sont en corrélation mutuelle. Ainsi des œufs des femelles qui produisent des cocons blancs, diffèrent légèrement par la teinte de ceux qui donnent des cocons jaunes. Les pattes abdominales des vers à cocons blancs sont toujours blanches, tandis que celles des vers à cocons jaunes sont invariablement jaunes aussi[5]. Nous avons vu que les vers tigrés de bandes foncées donnent des papillons qui sont plus obscurs que les autres. Il paraît assez bien établi[6] qu’en France, les vers des races produisant la soie blanche, et certains vers noirs ont, mieux que les autres, résisté à la maladie qui a récemment ravagé les districts séricicoles. Enfin, les races présentent des différences constitutionnelles, car il en est qui ne réussissent pas aussi bien que d’autres, sous un climat tempéré ; et un climat humide n’est pas également nuisible à toutes[7].


Les divers faits qui précèdent nous montrent que les vers à soie, comme les animaux supérieurs, varient sous l’influence d’une domestication prolongée. Ils nous apprennent en outre le fait plus important, que les variations peuvent se présenter à différentes époques de la vie, et être héritées à des époques correspondantes. Enfin ils nous montrent encore que le grand principe de la sélection peut aussi s’appliquer aux insectes.



  1. Quatrefages, O. C., p. 214.
  2. O. C., p. 151.
  3. O. C., p. 26.
  4. Godron, de l’Espèce, etc., p. 462.
  5. Quatrefages, O. C., p. 12, 209, 214.
  6. Robinet, O. C., p. 303.
  7. Id., ibid., p. 15.