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LEURS DIFFÉRENCES

sines du Bombyx, présentent des marques et une couleur semblables. Ayant mis à part quelques vers aux marques tigrées, presque tous les vers qu’il obtint le printemps suivant, provenant de ceux qu’il avait séparés, furent tigrés foncés, et leur teinte devint encore plus foncée à la troisième génération. Les papillons obtenus de ces vers[1] furent aussi plus foncés, et ressemblaient par la couleur au B. Huttoni sauvage. Les marques tigrées étant dues à un retour, on comprend facilement la persistance avec laquelle elles se transmettent.

Il y a quelques années, Mme Whitby, élevant des vers à soie sur une grande échelle, me fit savoir que quelques-uns de ses vers avaient, autour des yeux, des marques foncées comme des sourcils. C’était probablement un premier pas vers le retour aux marques tigrées, et curieux de savoir si un caractère aussi insignifiant serait héréditaire, je la priai de mettre à part une vingtaine de ces vers, ce qu’elle fit. Les papillons ayant été tenus séparés, les vers provenant de leurs œufs eurent tous, sans exception, des sourcils plus foncés chez les uns que chez les autres, mais bien apparents chez tous. On voit parfois dans les vers ordinaires, apparaître des vers noirs ; mais le fait est si variable, que, d’après M. Robinet, on voit la même race produire exclusivement des vers blancs une année, et la suivante en donner beaucoup de noirs ; je tiens toutefois de M. A. Bossi, de Genève, que, si on élève à part les vers noirs, les œufs pondus par les papillons qui en proviennent, donnent des vers de la même couleur ; mais les cocons et les papillons n’offrent aucune différence.

En Europe, le ver à soie mue ordinairement quatre fois avant de faire son cocon ; mais il y a des races à trois mues ; c’est le cas pour la race Trevoltini. Il semblerait qu’une différence physiologique de cette importance n’aurait pas pu être le fait de la domestication ; mais M. Robinet[2] a constaté que, d’une part, les vers ordinaires filent parfois leur cocon après trois mues seulement, et, d’autre part, que « presque toutes les races à trois mues que nous avons expérimentées, ont fait quatre mues à la seconde ou à la troisième année, ce qui semble prouver qu’il a suffi de les placer dans des conditions favorables pour leur rendre une faculté qu’elles avaient perdue sous des influences moins favorables. »

Cocons. — En s’enfermant dans son cocon, le ver perd à peu près 50 p. 100 de son poids ; mais la perte varie suivant les races, ce qui a quelque importance pour le sériciculteur. Le cocon présente des différences caractéristiques suivant les races ; il peut être grand ou petit ; presque sphérique, sans étranglement, comme dans la race de Loriol, ou cylindrique avec un étranglement plus ou moins prononcé, ou enfin avec un ou ses deux bouts plus ou moins pointus. La soie varie de finesse et de qualité ; elle peut être presque blanche, de deux teintes, ou jaune. Généralement, la couleur de la soie n’est pas strictement héréditaire, et, dans le chapitre de la sélection, je raconterai le fait curieux, comment, en France, on est parvenu, dans le cours de soixante-cinq générations, à réduire dans une race, de cent à trente-cinq pour mille, le nombre des cocons jaunes.

  1. Hutton, O. C., p. 153, 308.
  2. O. C., p. 317.