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VERS À SOIE.

gements qui ont pu affecter la structure et les qualités de ce dernier ; et des races très-différentes par leurs cocons, bien que très-semblables à l’état adulte, ont été ainsi produites. Dans les races des autres animaux domestiques, ce sont les jeunes qui se ressemblent, et les adultes qui diffèrent le plus entre eux.

Il serait inutile, même si cela était possible, de décrire toutes les sortes de vers à soie. Il en existe, dans l’Inde et en Chine, plusieurs espèces distinctes, qui produisent de l’excellente soie, et dont quelques-unes peuvent se croiser librement avec l’espèce commune, ainsi qu’on s’en est récemment assuré en France. Le capitaine Hutton[1] constate qu’on a, dans le monde entier, domestiqué au moins six espèces de vers à soie ; et il croit que ceux qu’on élève en Europe, appartiennent à deux ou trois d’entre elles. Ceci n’est toutefois pas l’opinion de plusieurs juges très-compétents, qui se sont tout particulièrement occupés en France de l’éducation de cet insecte, et s’accorde mal avec quelques faits que nous allons exposer.

Le ver à soie commun (Bombyx mori), fut apporté à Constantinople au vie siècle, de là introduit en Italie, puis en 1494 en France[2]. Tout a favorisé la variation de cet insecte. Sa domestication en Chine est supposée devoir remonter jusqu’à 2,700 ans avant Jésus-Christ. Il a été conservé et élevé dans les conditions les plus diverses et les moins naturelles, puis transporté dans une foule de pays. La nature de la nourriture qu’on donne à la chenille paraît influer jusqu’à un certain point sur le caractère de la race[3]. Le défaut d’usage a apparemment restreint le développement des ailes chez le papillon. Mais l’élément essentiel de la production des nombreuses races très-modifiées qui existent actuellement a été, sans aucun doute, l’attention qu’on a donnée, depuis fort longtemps et dans beaucoup de pays, à toute variation promettant quelque avantage. On sait quels soins on apporte en Europe à la sélection des meilleurs cocons et papillons[4], et en France, la pro-

  1. Transact entom. Soc., (3e  série), vol. III, p. 143–173 et p. 295–331.
  2. Godron, O. C., t. I, p. 460. L’antiquité du ver à soie est donnée sur l’autorité de Stanislas Julien.
  3. Remarques du professeur Owen et autres, à la réunion de la Société entomologique de Londres, en Juillet 1861.
  4. A. de Quatrefages, Études sur les maladies actuelles du ver à soie, 1859, p. 101.