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ABEILLES.

dit qu’en Allemagne, les abeilles de certaines ruches sont foncées, tandis que d’autres sont remarquables par leur couleur jaune. Dans certaines régions, les abeilles paraissent avoir des habitudes différentes, car Dzierzon ajoute : « Lorsque plusieurs ruches et leur progéniture sont plus disposées à essaimer, tandis que d’autres sont plus riches en miel, ce qui fait que quelques apiculteurs ont pu distinguer des abeilles « récoltant le miel, » et des abeilles « essaimantes, » ces habitudes deviennent une seconde nature, et paraissent résulter du mode adopté dans le traitement des ruches, et du genre de nourriture que leur offre la localité. Il y a, par exemple, sous ce rapport, une grande différence entre les abeilles des landes de Lunebourg et celles de ce pays… On peut là-bas d’une manière infaillible, empêcher la colonie la plus considérable d’essaimer, et éviter la production des bourdons, en substituant à une vieille reine une jeune de l’année courante ; tandis que le même moyen appliqué au Hanovre n’aurait aucune efficacité. » Je me suis procuré une ruche d’abeilles mortes de la Jamaïque, que j’ai comparées avec le plus grand soin avec nos abeilles ordinaires, sans pouvoir déceler entre les unes et les autres la moindre différence.

On peut s’expliquer cette uniformité remarquable de l’abeille par la difficulté, ou plutôt l’impossibilité où l’on est de faire intervenir la sélection, en appariant certaines reines et bourdons, puisque ces insectes ne s’accouplent que pendant le vol. Aussi, à une seule et unique exception près, n’a-t-on aucun exemple de la séparation d’une ruche, et de la propagation d’abeilles présentant quelque particularité appréciable. Pour former une nouvelle race, comme nous le savons maintenant, l’isolement complet des abeilles à propager, de toutes les autres, serait une condition indispensable ; car on a reconnu qu’en Allemagne et en Angleterre, depuis l’introduction de l’abeille Ligurienne, les bourdons de cette race peuvent s’éloigner de leurs ruches à plus de deux milles à la ronde, et se croiser souvent avec les reines de l’espèce commune[1]. L’abeille Ligurienne, quoique parfaitement fertile lorsqu’elle se croise avec l’abeille ordinaire, est regardée par la plupart

  1. M. Woodbury a publié plusieurs faits de ce genre dans Journal of Agriculture, 1861 et 1862.