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PAONS.

muticus, ils sont cependant, sous quelques rapports, intermédiaires entre ces deux espèces par leurs caractères, fait qui, selon M. Sclater, est favorable à l’idée qu’ils doivent former une espèce naturelle distincte[1].

Sir R. Heron assure, d’autre part[2], que cette race a apparu, subitement, dans un grand troupeau de paons ordinaires blancs, et pies, appartenant à Lord Brownlow. Le même fait s’est présenté dans un troupeau entièrement composé de paons communs chez Sir J. Trevelyan, et dans celui de M. Thornton, comprenant des paons ordinaires et pies. Chose remarquable, dans ces deux derniers cas, la variété à épaules noires se multiplia jusqu’à extermination de la race existant précédemment. J’ai aussi appris de M. Hudson Gurney, par l’intermédiaire de M. Sclater, qu’il avait, plusieurs années auparavant, élevé une paire de paons à épaules noires, provenant du paon commun ; un autre ornithologiste, le professeur A. Newton a eu aussi, il y a quelques années, un oiseau femelle semblable sous tous les rapports à celle de la variété à épaules noires, provenant d’une famille de paons communs qu’il possédait, et dont aucun n’avait, depuis plus de vingt ans, été croisé avec aucun oiseau d’une autre branche. Nous avons donc là, cinq cas bien distincts d’oiseaux à épaules noires, surgissant subitement dans des troupeaux de l’espèce commune, qu’on élève en Angleterre. On ne pourrait désirer de preuves plus claires de l’apparition d’une nouvelle variété.

Si nous rejetons cette manière de voir, et considérons le paon à épaules noires comme une espèce distincte, il faut supposer, dans tous les cas, que la race commune a dû autrefois avoir été croisée par le P. nigripennis supposé, qu’elle a perdu depuis, toute trace de ce croisement, et que cependant, elle a occasionnellement produit des individus revêtant subitement et complètement, par voie de retour, les caractères du P. nigripennis. Or jamais un cas pareil ne s’est présenté dans les règnes animal ou végétal. Pour saisir l’improbabilité absolue d’une pareille occurrence, supposons par exemple, qu’à quelque époque antérieure, une race de chiens ait été croisée avec un loup, et ait depuis perdu toutes traces des caractères de cet

  1. Sclater, Proc. zool. Soc., 24 Avril 1860.
  2. Proc. zool Soc., 14 Avril 1835.