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DIFFÉRENCES EXTERNES.

le canard de ferme ordinaire ; je l’ai trouvée aussi sur un canard qui m’avait été envoyé de l’archipel Malais, et qui n’offrait d’ailleurs aucune autre particularité. La huppe est intéressante en ce qu’elle affecte le crâne, qu’elle rend plus globuleux, et qui présente alors de nombreuses perforations. Les canards Chanterelles sont remarquables par leur excessive loquacité ; les mâles ne font que siffler comme les canards mâles communs ; cependant, lorsqu’on les apparie avec les canes de la race ordinaire, ils transmettent à leur progéniture femelle une voix très-bruyante. La voix varie dans les différentes races, M. Brent[1] dit que les canards à bec courbé sont très-bruyants, et que les Rouens ont un cri triste et monotone, qu’une oreille exercée reconnaît facilement. Il peut paraître singulier que la domestication ait développé la loquacité de certains canards ; mais, le canard Chanterelle étant employé comme appeau, et comme tel étant utile par ses cris, il est probable que sa voix aura été développée par sélection. Le col. Hawker dit, par exemple, que, lorsqu’on ne peut se procurer de jeunes canards sauvages pour appeaux, on peut, comme pis-aller, choisir des canards domestiques, les plus criards, quand même ils n’auraient pas la coloration de l’espèce sauvage[2]. On a affirmé à tort que les canards Chanterelles couvaient moins longtemps que la race commune[3].

La race Pingouine est de toutes la plus remarquable ; elle porte son cou mince et son corps très-relevé ; ses ailes sont petites ; sa queue est retroussée, et elle a les fémurs et les métatarses beaucoup plus allongés que ces os ne le sont dans le canard sauvage. J’ai compté sur cinq individus, dix-huit rectrices, au lieu de vingt comme dans le canard sauvage ; et j’en ai trouvé dix-huit et dix-neuf dans deux Labradors. Dans trois individus, le doigt médian portait 27 et 28 scutelles ; il y en avait 31 et 32 dans deux canards sauvages. Croisée, la race Pingouine transmet fortement à sa progéniture, la forme particulière de son corps et sa démarche ; c’est ce qu’ont montré très-évidemment quelques métis obtenus au Jardin Zoologique d’un de ces oiseaux et de l’oie Égyptienne[4] (Anser Ægyptiacus), ainsi que des métis que j’ai élevés moi-même, et produits du croisement d’un Pingouin et d’un Labrador. Je ne suis point surpris que quelques auteurs aient soutenu l’opinion de la descendance de cette race d’une espèce distincte et inconnue, mais pour les raisons déjà données, je crois plus probable qu’elle provient de l’A. boschas, bien que profondément modifiée par le climat et la domestication.

Caractères ostéologiques. — Les crânes des diverses races ne diffèrent entre eux, et de celui du canard sauvage, que peu, si ce n’est par les proportions et la courbure des maxillaires supérieurs. Ces os sont courts chez le canard Chanterelle, offrant un profil droit, tandis qu’il est concave chez le canard ordinaire : leur crâne ressemble donc à celui d’une petite

  1. The Zoologist, 1855, vol. III, p. 312. — Pour les Rouens, 1854, vol. I, p. 167.
  2. Col. Hawker’s Instructions to young Sportsmen, cité par Dixon dans Ornamental Poultry, p. 125.
  3. Cottage Gardener, 9 avril 1861.
  4. M. Selys Longchamps a décrit ces métis dans Bulletins de l’Acad. royale de Bruxelles, t. XII, no 10.