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MODE DE FORMATION DES PRINCIPALES RACES.

que nous apprenions de temps à autre l’extinction locale ou complète de races domestiques, tandis que nous n’entendons jamais parler de leur origine. Comment, s’est-on demandé, ces pertes se sont-elles compensées, et plus que compensées, puisque pour tous les animaux domestiques, les races ont considérablement augmenté en nombre depuis le temps des Romains ? Cette contradiction apparente est, d’après notre manière de voir, très-compréhensible. L’extinction d’une race dans les temps historiques, est un événement qui doit être remarqué et enregistré ; mais sa modification graduelle, presque insensible par une sélection inconsciente, et sa divergence ultérieure, — soit dans le pays, soit, ce qui est le cas le plus fréquent, dans des pays éloignés, — en deux ou plusieurs branches, devenant ensuite lentement des sous-races et finalement des races bien accusées, sont des événements qui échappent, et sont à peine remarqués. On enregistrera la mort d’un arbre qui aura atteint des dimensions gigantesques, l’attention ne sera nullement éveillée par la croissance lente et l’augmentation numérique d’arbres plus petits.

La puissance de la sélection, comparée au peu d’action directe qu’exercent les changements de conditions, autrement qu’en déterminant une variabilité et une plasticité générales de l’organisation, explique parfaitement pourquoi de temps immémorial, les Pigeons de colombier sont restés à peu près intacts ; et pourquoi, quelques Pigeons de fantaisie, qui ne diffèrent du reste des précédents que par la couleur, ont conservé depuis plusieurs siècles les mêmes caractères. En effet, une fois un de ces Pigeons arrivé à une coloration élégante et symétrique, — comme par exemple un Pigeon Heurté ayant apparu avec le sommet de la tête, la queue, les tectrices caudales d’une couleur uniforme, le reste du corps étant d’un blanc de neige, — il n’y pas de raison pour y apporter aucun changement ou aucune amélioration ultérieure. Il n’est pas non plus étonnant que d’autre part, pendant ce même laps de temps, nos Pigeons très-travaillés et améliorés, aient subi des changements considérables, car nous ne connaissons pas de limites à la variabilité de leurs caractères, et nous ne pouvons en assigner aucune, aux caprices et à la fantaisie des éleveurs. Qu’est-ce qui arrêtera l’éleveur cherchant à donner à son Messager un