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SÉLECTION NATURELLE.

l’accomplissement de toute fonction du corps ou de l’esprit devant être d’autant plus parfait qu’il résulte d’une meilleure division du travail. La sélection naturelle agissant exclusivement en conservant les modifications de structure profitables, et les conditions vitales se compliquant généralement de plus en plus dans chaque zone, à mesure que le nombre des formes qui l’habitent s’augmente, celles-ci doivent tendre à acquérir une conformation de plus en plus parfaite, qui doit nous faire admettre qu’en somme l’organisation progresse. Néanmoins une forme très-simple appropriée à des conditions vitales également très-simples pourra rester pendant des siècles sans être modifiée ni améliorée ; car quel avantage aurait un infusoire ou un ver intestinal à revêtir une organisation complexe ? Il pourrait même arriver, et le cas s’est probablement présenté, que des membres d’un groupe supérieur se soient adaptés à des conditions de vie plus simples, et dans ce cas la sélection naturelle a dû tendre à simplifier et à dégrader l’organisation, car pour des actions simples un mécanisme compliqué est inutile et même désavantageux.

Dans un second ouvrage, après avoir traité de la variation des organismes dans la nature, de la lutte pour l’existence et de la sélection naturelle, je discuterai les difficultés que soulève la théorie. Ces difficultés peuvent être classées sous les chefs suivants : l’impossibilité apparente, dans certains cas, qu’un organe très-simple puisse arriver par degrés insensibles à un organe très-parfait ; les faits merveilleux de l’instinct ; la question entière de l’hybridité ; et enfin l’absence, soit dans la période actuelle soit dans nos formations géologiques, d’une foule de chaînons reliant entre elles toutes les espèces alliées. Bien que quelques-unes de ces difficultés aient un certain poids, nous verrons qu’un grand nombre d’entre elles s’expliquent par la théorie de la sélection naturelle, et sont inexplicables autrement.

L’hypothèse est permise dans les recherches scientifiques, et si elle explique des ensembles de faits considérables et indépendants, elle peut être élevée au rang d’une théorie bien fondée. L’existence de l’éther et de ses ondulations est hypothétique, et cependant qui n’admet actuellement la théorie ondulatoire de la lumière ? Le principe de la sélection natu-