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MODE DE FORMATION DES PRINCIPALES RACES.

MODE DE FORMATION DES PRINCIPALES RACES.

Examinons maintenant la marche probable qu’ont dû suivre dans leur formation les principales races. Aussi longtemps qu’on garde les Pigeons à l’état semi-domestique dans des colombiers et dans leur pays natal, sans prendre aucun soin pour la sélection ou l’appariage des individus, ils ne varient guère plus que le Bizet sauvage, et, comme lui, par la taille, les tachetures des ailes et la coloration bleue ou blanche du croupion. Lorsque cependant on transporte ces Pigeons dans divers pays, tels que Sierra-Leone, l’archipel Malais, Madère (où la C. livia sauvage n’existe pas), soumis alors à de nouvelles conditions extérieures, ils paraissent varier à un degré plus prononcé. Tenus captifs, soit pour le plaisir de les observer, soit pour éviter qu’ils ne s’échappent, ils se trouvent exposés, même dans leur pays natal, à des conditions fort différentes, car ils ne peuvent se procurer cette nourriture diversifiée qu’ils trouvent à l’état de nature, et, ce qui est probablement plus important, sont abondamment nourris sans pouvoir prendre un exercice suffisant. Par analogie avec les autres animaux domestiques, nous devons, dans ces circonstances, nous attendre à trouver chez ces oiseaux une somme plus grande de variabilité individuelle que chez le Pigeon sauvage, ce qui est en effet le cas. Le défaut d’exercice tend à réduire les proportions des pattes et des organes du vol, et affecte, par suite de corrélation de croissance, celles du bec. D’après ce que nous voyons arriver occasionnellement dans nos volières, nous pouvons croire que des variations subites, telles que l’apparition d’une huppe sur la tête, de plumes sur les pattes, d’une nuance nouvelle de coloration, de plumes supplémentaires à l’aile ou à la queue, ont dû quelquefois surgir pendant la longue série de générations qui se sont succédées depuis la première domestication du Pigeon. Actuellement on rejette de pareilles variations brusques comme des tares, et il règne un tel mystère dans l’élevage des Pigeons, que les détails relatifs à l’apparition d’une variation ayant quelque valeur, sont soigneusement tenus secrets. Avant les cent cinquante dernières années, il n’y a pas d’exemple que l’histoire d’une pareille variation ait été enregistrée. Il ne suit pas de là qu’autrefois,