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HISTOIRE DES RAGES PRINCIPALES.

en général, ne soient le résultat d’une sélection soutenue pendant les deux derniers siècles, et remontant probablement à la naissance d’un oiseau semi-monstrueux, vers l’année 1750.

Runts. — Nous ne savons que peu de leur histoire. Les Pigeons de Campanie étaient les plus grands connus du temps de Pline, fait sur lequel quelques auteurs se basent pour admettre que c’étaient des Runts. Il en existait en 1600, du temps d’Aldrovande, deux sous-races dont l’une, celle à bec court, est actuellement éteinte en Europe.

Barbes. — Malgré toutes les assertions contraires, il me paraît impossible de reconnaître le Barbe dans les figures et descriptions d’Aldrovande ; il existait toutefois, en 1600, quatre races qui étaient évidemment voisines des Barbes et des Messagers. Pour montrer combien il est difficile de reconnaître quelques-unes des races décrites par Aldrovande, je vais rappeler les opinions différentes qui ont été émises sur les quatre races qu’il a nommées : C. Indica, Cretensis, gutturosa et Persica. Willughby regardait la C. Indica comme un Turbit, M. Brent croit que c’était un Barbe inférieur. La C. Cretensis, dont le bec court a la mandibule supérieure renflée, n’est pas reconnaissable ; la C. (faussement appelée) gutturosa, qui, par son rostrum breve, crassum et tuberosum, me paraît se rapprocher du Barbe, est un Messager pour M. Brent ; enfin la C. Persica et Turcica, de l’avis de M. Brent, avis que je partage, n’est qu’un Messager à bec court, avec peu de peau verruqueuse. Le Barbe était connu en Angleterre en 1687 ; Willughby décrit son bec comme semblable à celui du Turbit ; mais on ne peut admettre que son Barbe ait pu avoir un bec comme celui des Barbes actuels, car un observateur aussi exact n’aurait pu méconnaître sa grande largeur.

Messager anglais. — Nous chercherions en vain dans l’ouvrage d’Aldrovande un oiseau ressemblant à nos Messagers améliorés ; les C. Persica et Turcica, qu’on dit s’en rapprocher le plus par leur bec court et épais, en différaient considérablement et devaient être voisins des Barbes. En 1677, du temps de Willughby, nous reconnaissons clairement le Messager ; mais comme il ajoute que son bec n’était pas court, mais d’une longueur modérée, sa description est inapplicable à nos Messagers actuels, si remarquables par l’allongement extraordinaire de leurs becs. Les noms anciens que le Messager a portés en Europe, ainsi que ceux qu’il porte encore dans l’Inde, signalent son origine persane. La description qu’en donne Willughby s’applique parfaitement au Messager de Bassorah, tel qu’il existe aujourd’hui à Madras. Nous pouvons retracer partiellement les changements qu’ont ultérieurement éprouvés nos Messagers anglais. Moore, en 1735, dit qu’on regarde comme long un bec de 1 1/2 pouce, bien que dans de bons individus il ne dépasse pas 1 1/4. Ces oiseaux ont dû ressembler ou avoir été un peu supérieurs aux Messagers décrits précédemment qui existent aujourd’hui en Perse. Actuellement, en Angleterre, d’après M. Eaton[1], on trouve chez les Messagers des becs mesurant (du bout du bec au bord de l’œil) 1 pouce 3/4, et quelquefois même 2 pouces de longueur.

  1. O. C., 1852, p. 41.