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PIGEONS DOMESTIQUES.

déjà parfaitement caractérisées aux dates ci-dessus indiquées. La longueur moyenne de la vie du Pigeon domestique étant de cinq à six ans environ, quelques-unes de ces races auraient donc conservé leurs caractères pendant au moins quarante ou cinquante générations.

Grosses-gorges. — Ces oiseaux, autant qu’une très-courte description permet d’en juger, paraissent avoir été bien caractérisés du temps d’Aldrovande[1], avant l’an 1600. Les deux points essentiels recherchés de nos jours sont la longueur du corps et des jambes. En 1755 (édit. Eaton), Moore, — qui était un amateur de premier ordre, — dit avoir une fois vu un oiseau dont le corps avait 20 pouces de longueur et les jambes 7 pouces, bien qu’on considère comme de très-bonnes dimensions de 17 à 18 pouces pour la longueur du corps, et de 6 1/2 à 6 3/4 pour celle des jambes. M. Bult, l’éleveur de Grosses-gorges le plus heureux qu’il y ait eu au monde, m’apprend qu’actuellement (1858) la longueur ordinaire du corps est de 18 pouces, mais qu’il l’a trouvée de 19 chez un individu, et a entendu parler d’oiseaux de 20 et 22 pouces de long, mais ces cas lui paraissent douteux. La longueur normale des pattes est de 7 pouces actuellement ; M. Bult l’a trouvée de 7 1/2 pouces dans deux de ses élèves. Il ressort de là que dans les cent vingt-trois années qui se sont écoulées depuis 1735, la longueur du corps n’a pas sensiblement augmenté, car on considérait autrefois une longueur de 17 à 18 pouces comme bonne, et 18 pouces sont actuellement la longueur minimum ; la longueur des jambes semble toutefois s’être accrue, car Moore n’a jamais observé de cas de jambes atteignant complètement 7 pouces ; la moyenne est actuellement de 7, et dans deux oiseaux de M. Bult elles mesuraient 7 1/2 pouces de longueur. Le peu d’amélioration des Grosses-gorges pendant cette dernière période peut être expliqué en partie, comme me l’apprend M. Bult, par la négligence dont jusqu’à ces vingt ou trente dernières années cette race a été l’objet. Il y eut, vers 1765[2], un changement dans la mode, qui fit préférer à des membres nus et grêles des pattes plus fortes et plus emplumées.

Pigeons Paons. — La première mention faite de cette race se trouve dans l’Ayeen Akbery, ouvrage indien, antérieur à 1600[3] ; à cette date, à en juger par Aldrovande, elle était inconnue en Europe. En 1677, Willughby parle d’un Pigeon Paon ayant 26 rectrices ; en 1735, Moore en vit un qui en portait 36 ; et en 1824 MM. Boitard et Corbié constatent qu’on pouvait facilement trouver en France des oiseaux qui en portaient 42. Actuellement, en Angleterre, on tient moins au nombre qu’au redressement et à l’expansion des rectrices, et on s’attache surtout au port général de l’oiseau. Les anciennes descriptions ne nous permettent pas, vu leur insuffisance, de juger s’il y a eu, sous ce dernier rapport, une grande amélioration ; mais il est probable que si autrefois il eût existé comme aujourd’hui des Pigeons Paons, dont la tête et la queue pussent se toucher, le fait aurait été mentionné. Les Paons qu’on trouve dans l’Inde

  1. Ornithologie, 1600, vol. II, p. 360.
  2. Treatise on domestic Pigeons, dedicated to M. Mayor, 1765. Préface, p. xiv
  3. M. Blyth a traduit une partie de l’Ayeen Akbery, dans Ann. and Mag. of nat. History, vol. xix, 1847, p. 104.