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PIGEONS DOMESTIQUES.

rations, été croisées avec le Bizet, et ainsi acquis cette tendance à reproduire des oiseaux bleus avec les marques diverses qui caractérisent ce plumage. Je dis que ce croisement de chaque race avec le Bizet aurait dû avoir eu lieu dans le cours d’une douzaine ou d’une vingtaine de générations au plus, parce qu’il n’y a aucune raison pour croire qu’une progéniture, croisée retourne jamais vers le type de l’un de ses ancêtres après un plus grand nombre de générations. Dans une race qui n’a été croisée qu’une fois, la tendance au retour diminue naturellement dans les générations suivantes, à mesure que la proportion de sang de la race étrangère diminue ; mais lorsqu’il n’y a pas eu de croisement avec une race distincte, et qu’il y a chez les deux parents une tendance au retour vers un caractère perdu depuis longtemps, cette tendance peut, d’après tout ce que nous sommes à même de constater, être transmise intégralement pendant un nombre indéfini de générations. Ces deux cas distincts de retour sont souvent confondus par les auteurs qui ont écrit sur l’hérédité.

Considérant, d’une part, l’improbabilité des trois suppositions que nous venons de discuter, et, d’autre part, la simplicité avec laquelle les faits s’expliquent par le principe du retour, nous pouvons conclure que l’apparition occasionnelle dans toutes les races (soit lorsqu’elles se reproduisent pures et sans mélange, soit surtout lorsqu’on les croise) de produits bleus, quelquefois tachetés, avec deux barres sur les ailes, le croupion blanc ou bleu, une barre à l’extrémité de la queue, et les rectrices externes bordées de blanc, fournit un argument d’un grand poids en faveur de l’opinion qu’elles proviennent toutes du Bizet, C. livia, comprenant sous cette dénomination les trois ou quatre variétés ou sous-espèces sauvages que nous avons énumérées plus haut.

Résumons les six arguments précédents, contraires à l’idée que les races domestiques soient les descendants de neuf ou peut-être de douze espèces, car le croisement d’un nombre moindre ne saurait rendre compte des différences caractéristiques des diverses races : 1o l’improbabilité qu’il puisse exister encore quelque part autant d’espèces inconnues aux ornithologistes, ou qu’elles aient pu s’éteindre dans les limites de la période historique, l’homme ayant eu si peu d’ac-