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RETOUR PAR LA COULEUR.

à un degré plus ou moins prononcé les diverses marques caractéristiques. L’assertion de MM. Boitard et Corbié[1], que les croisements entre certaines races ne donnaient que rarement autre chose que des Bizets ou des Pigeons de colombier, c’est-à-dire, comme nous le savons, des oiseaux bleus avec leurs marques spéciales, m’a conduit à entreprendre quelques expériences sur le sujet. Vu l’intérêt que ces recherches peuvent avoir, même en dehors du point spécial qui nous occupe actuellement, je crois devoir les exposer avec quelques détails. J’ai choisi pour mes essais des races qui, lorsqu’elles sont pures, ne produisent que très-rarement des oiseaux bleus, ayant les barres sur les ailes et la queue.

Le Pigeon Coquille est blanc, avec la tête, la queue, et les rémiges primaires noires ; la race existe depuis l’an 1600. J’ai croisé un mâle de cette race avec une femelle du Culbutant commun rouge, variété qui reproduit bien son type. Aucun des parents n’avait donc la moindre trace de bleu dans son plumage, ni de barres sur les ailes ou la queue. Les Culbutants communs sont rarement bleus en Angleterre. Le croisement en question me produisit plusieurs petits ; l’un avait le dos tout entier rouge, et sa queue était aussi bleue que chez le Bizet ; la barre terminale manquait, mais les rectrices externes étaient bordées de blanc ; un second et un troisième ressemblaient au premier, et portaient tous deux une trace de barre à l’extrémité de la queue ; un quatrième était brunâtre, avec traces de la barre double sur les ailes ; un cinquième avait la poitrine, le dos, le croupion et la queue d’un bleu pâle, mais le cou et les rémiges primaires étaient rougeâtres ; les ailes portaient deux barres distinctes de couleur rouge ; la queue n’avait pas de barre, mais les rectrices externes étaient bordées de blanc. J’ai croisé ce dernier oiseau, si curieusement coloré, avec un métis noir d’origine complexe, car il provenait d’un Barbe noir, d’un Pigeon Heurté et d’un Culbutant (Almond Tumbler) ; de sorte que les deux produits de ce croisement contenaient le sang de cinq variétés, dont aucune n’avait la moindre trace de bleu, ni de barres alaires ou caudales ; un de ces deux oiseaux était d’un noir brunâtre, avec des barres alaires noires ; l’autre

  1. O. C., p. 37.