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LEUR ORIGINE.

peut cependant, par des moyens indirects, mais concluants, démontrer que ces races principales ne descendent pas d’un nombre égal de souches sauvages, et ceci admis, on ne peut guère contester leur provenance de la C. livia, qui, par ses mœurs et la plupart de ses caractères, s’accorde si étroitement avec elles, varie aussi dans l’état de nature, et a certainement éprouvé des modifications considérables. Nous verrons, au surplus, combien certaines circonstances favorables ont pour beaucoup contribué à augmenter les modifications dans les races qui ont été plus particulièrement l’objet des soins des éleveurs.

On peut grouper, sous les six chefs suivants, les raisons qui permettent de conclure que les races domestiques principales ne descendent pas d’autant de souches primitives et inconnues : — 1o Si les onze races principales ne résultent pas de la variation d’une espèce, y compris ses races géographiques, elles doivent provenir de plusieurs espèces primitives extrêmement distinctes ; car des croisements, si étendus qu’on les suppose, entre six ou sept formes sauvages, n’auraient jamais pu produire des races aussi divergentes que les Grosses-gorges, les Messagers, les Runts, les Paons, les Culbutants courtes-faces, les Jacobins et Tambours. Comment, par exemple, un Grosse-gorge ou un Paon auraient-ils pu résulter d’un croisement, sans que les parents primitifs supposés possédassent les caractères particuliers de ces races ? Je sais que quelques naturalistes, suivant l’opinion de Pallas, croient que le croisement détermine une forte tendance à la variation, indépendamment des caractères hérités de l’un et de l’autre parent. Ils admettent qu’il serait plus facile de produire un Grosse-gorge ou un Pigeon Paon par le croisement de deux espèces distinctes, ne possédant ni l’une ni l’autre les caractères de ces races, que de les faire dériver d’une espèce unique. Je ne trouve que peu de faits favorables à cette doctrine, et n’y crois qu’à un faible degré ; j’aurai, du reste, dans un chapitre futur, à revenir sur ce sujet, qui n’est pas essentiel pour le point que nous discutons dans ce moment. La question dont nous avons à nous occuper est celle de savoir si, depuis la première domestication du Pigeon par l’homme, il a apparu chez ce type des caractères nouveaux, nombreux et importants. D’après l’opinion ordi-