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PIGEONS DOMESTIQUES.

terre, mais plus fortement, ayant le dos presque entièrement noir. D’autres sont identiques à la soi-disant C. intermedia de l’Inde par la coloration bleue du croupion ; d’autres enfin ont cette partie très-pâle ou d’un bleu très-foncé, et sont de même tachetés. Une variabilité aussi considérable me porte à soupçonner que ces oiseaux sont des Pigeons domestiques redevenus sauvages.

Il résulte de ces faits que les C. livia, affinis, intermedia, ainsi que les formes marquées d’un point d’interrogation par Bonaparte, doivent toutes être regardées comme une même espèce. Il est, du reste, très-indifférent qu’elles soient ainsi classées ou non, et que quelques-unes de ces formes ou toutes soient considérées comme les ancêtres de nos races domestiques, en tant qu’il s’agisse d’expliquer les différences qui existent entre les races les plus distinctes. En comparant les Pigeons de colombier ordinaires élevés dans différentes parties du monde, il ne peut y avoir aucun doute sur leur provenance d’une ou de plusieurs des variétés sauvages de la C. livia que nous venons de citer. Mais avant de faire quelques remarques sur les Pigeons de colombier, nous devons signaler que, dans plusieurs pays, on a remarqué la facilité avec laquelle on pouvait apprivoiser le Bizet. Nous avons vu que le colonel King, à Hythe, a, il y a plus de vingt ans, peuplé son colombier de Pigeonneaux sauvages pris aux îles Orkney, qui ont considérablement multiplié depuis. Macgillivray[1] dit avoir complètement apprivoisé un Bizet aux Hébrides, et on connaît plusieurs cas de ces oiseaux qui ont reproduit dans des pigeonniers dans les îles Shetland. Je tiens du capitaine Hutton que le Bizet sauvage de l’Inde s’apprivoise facilement, et reproduit librement avec le Pigeon domestique ; M. Blyth[2] m’assure que les individus sauvages viennent souvent dans les pigeonniers, et se mêlent à leurs habitants. On trouve dans l’ancien « Ayeen Akbery » signalé le fait que si on prend quelques Pigeons sauvages, des milliers d’individus de leur espèce ne tardent pas à les rejoindre.

Il y a des Pigeons qu’on conserve dans des colombiers à un état semi-domestique, dont on ne prend aucun soin particulier, et qui se procurent eux-mêmes leur nourriture sauf pendant les grands froids. En Angleterre et en France, d’après l’ouvrage de MM. Boitard et Corbié, ce Pigeon commun ressemble exactement à la variété tachetée de la C. livia, mais j’en ai vu des individus venant du Yorkshire, qui, semblables au Bizet shetlandais, n’offraient aucune trace de ces tachetures. Les Pigeons des îles Orkney domestiqués depuis plus de vingt ans par le colonel King, différaient légèrement entre eux par le degré d’intensité de coloration de leur plumage, et l’épaisseur de leurs becs, dont les plus minces étaient un peu plus épais que les plus forts dans les oiseaux de Madère. D’après Bechstein le Pigeon de colom-

  1. History of British Birds, vol. I, p. 275-284. — M. Andrew Duncan a apprivoisé un Bizet aux îles Shetland. — M. J. Barclay et M. Smith de Uyea Sound, affirment tous deux que le Bizet s’apprivoise facilement, et le premier dit que l’oiseau apprivoisé fait quatre pontes par an. — Le docteur Lawrence Edmonstone m’apprend qu’un Bizet sauvage, après s’être installé dans son colombier, dans les îles Shetland, s’était apparié avec ses Pigeons ; il m’a aussi donné d’autres exemples de Bizets sauvages qui, pris jeunes, avaient reproduit en captivité.
  2. Annals and Magaz. of nat. History, vol. XIX, 1847, p. 103, et 1857, p. 512.