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PIGEONS DOMESTIQUES.

de la queue, qui sont noirs ; les jambes sont de couleur livide, caractère qui ne se rencontre chez aucun Pigeon domestique adulte ; j’aurais, du reste, pu laisser de côté cette espèce ainsi que la C. luctuosa sa voisine, car toutes deux appartiennent au genre Carpophaga ; 4o La C. Guinea, qui s’étend de la Guinée[1] au Cap, et se tient, suivant la nature du pays, tantôt sur les arbres, tantôt sur les rochers. Cette espèce appartient au genre Strictænas de Reichenbach, voisin du genre Columba ; elle est, jusqu’à un certain point, colorée comme certaines races domestiques, et on la dit domestiquée en Abyssinie ; mais M. Mansfleld Parkyns, qui a collectionné les oiseaux de ce pays et connaît l’espèce, m’affirme que cela n’est pas. La C. Guinea est en outre remarquable par des entailles particulières de l’extrémité des plumes du cou, caractère qui n’a été observé dans aucune race domestique : 5o la C. Œnas d’Europe qui perche sur les arbres et construit son nid dans des trous, soit d’arbres, soit en terre ; cette espèce pourrait, comme caractères extérieurs, être la souche de plusieurs races domestiques ; mais, quoique se croisant avec le vrai Bizet, nous verrons bientôt que les produits de ce croisement sont stériles, ce qui n’arrive jamais aux produits des croisements réciproques des races domestiques. Nous devons aussi faire observer qu’en admettant, contre toute probabilité, qu’une ou plusieurs des cinq ou six espèces précédentes aient pu être les ancêtres de quelques-uns de nos Pigeons domestiques, il n’en résulterait aucune explication des différences principales qui existent entre les onze races les mieux caractérisées.

Nous arrivons maintenant au Pigeon le mieux connu, le Pigeon de roche ou Bizet, Columba livia, et que les naturalistes regardent comme l’ancêtre de toutes les races domestiques. Ce Pigeon ressemble par tous ses caractères essentiels aux races de Pigeons domestiques qui n’ont été que peu modifiées. Il diffère des autres espèces par sa couleur qui est d’un bleu ardoisé, par deux barres noires sur les ailes, et par son croupion blanc. On rencontre quelquefois, aux Hébrides et aux îles Feroë, des individus chez lesquels deux ou trois taches noires remplacent les barres, forme que Brehm[2] a dénommée C. Amaliæ, mais que les autres ornithologistes n’ont pas admise comme une espèce distincte. Graba[3] a signalé aussi une différence dans les barres des ailes dans le même oiseau aux Feroë. Une autre forme encore plus distincte, sauvage ou qui l’est redevenue sur les falaises d’Angleterre, a été d’abord désignée par M. Blyth[4], sous le nom de C. affinis, mais actuellement il ne la considère plus lui-même comme une espèce. Cette C. affinis est un peu plus petite que le Bizet des îles d’Écosse, et présente une apparence assez différente, car elle a les tectrices des ailes tachetées de noir, et souvent des marques de même

  1. Temminck, Hist. nat. gén. des Pigeons, t. I. — Voir aussi Les Pigeons, par Mme Knip et Temminck. — Bonaparte, Coup d’œil, etc., admet qu’on confond sous ce nom deux espèces voisines. Temminck estime que la C. leucocephala des Indes occidentales est un Bizet, mais M. Gosse m’apprend que c’est une erreur.
  2. Handbuch der Naturgeschichte. — Vögel Deutschlands.
  3. Tagebuch. Reise nach Färœ, 1830, p. 62.
  4. Ann. and Mag. of nat. Hist., XIX, 1847, p. 102. Travail excellent sur les Pigeons, et qui mérite d’être consulté.