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LEUR ORIGINE.

signal du danger, se sauvent et cherchent à se cacher, comme le font les jeunes perdrix et faisans, pour que la mère puisse prendre son vol ; ce qu’à l’état domestique elle n’est plus capable de faire. Le canard musqué (Anas moschata) dans son pays perche souvent et niche sur les arbres[1], et nos canards musqués domestiques, quoique très-indolents, « aiment à se percher sur les murs, les granges, etc., et, si on les laisse libres de passer la nuit dans les poulaillers, les canes vont volontiers percher à côté des poules, mais le canard mâle est trop lourd pour y monter facilement[2]. » Nous savons que, quoique abondamment et régulièrement nourri, le chien enfouit souvent, comme le renard, la nourriture dont il n’a pas besoin ; nous le voyons encore tourner longtemps sur lui-même sur un tapis comme pour fouler l’herbe à la place où il veut se coucher ; enfin il gratte avec ses pieds de derrière le pavé comme pour recouvrir et cacher ses excréments, ce qu’il ne fait même pas du reste, lorsqu’il est sur de la terre nue. Nous trouvons enfin dans le plaisir avec lequel les agneaux et les chevreaux se groupent ensemble et folâtrent sur le plus petit mamelon de terrain à leur portée, les vestiges de leurs anciennes habitudes alpestres.

Nous avons donc de bonnes raisons pour admettre que toutes nos races de Pigeons descendent d’une ou de plusieurs espèces, vivant et nichant sur les rochers, et de nature sociable. Comme il n’existe que cinq ou six espèces sauvages ayant ces habitudes et s’approchant du Pigeon domestique par leur conformation, je vais en donner l’énumération.


1o La Columba leuconola ressemble, par son plumage, à quelques variétés domestiques, à une différence près très-marquée et invariable, qui est l’existence d’une bande blanche en travers de la queue à peu de distance de son extrémité. Cette espèce habitant l’Himalaya à la limite des neiges éternelles, ne peut guère, comme le remarque M. Blyth, être la souche de nos races domestiques qui prospèrent dans les pays les plus chauds ; 2o la C. Rupestris de l’Asie centrale, intermédiaire[3] entre les C. leuconola et livia, mais ayant la queue colorée comme la première ; 3o la C. littoralis, d’après Temminck, niche et vit sur les rochers de l’archipel Malais ; cet oiseau est blanc, à l’exception de quelques parties de l’aile et du bout

  1. Sir G. Schomburck, Journ. R. geog. Soc., XII, 1814, p. 32.
  2. Rev. E.-L. Dixon, Ornemental Poultry, 1848, p. 63–66.
  3. Proc. zool. Soc. 1859, p. 400.