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EFFETS DU DÉFAUT D’USAGE.

sitée. Comme j’avais, dans presque tous les cas, mesuré les ailes repliées, je n’avais qu’à retrancher la longueur de leur partie terminale de la longueur totale des ailes étendues, pour obtenir avec une exactitude suffisante la longueur des ailes comprise entre une extrémité radiale et l’autre. Mesurées sur les mêmes vingt-cinq oiseaux, le résultat fut tout différent ; car, relativement aux ailes du Bizet, elles se trouvaient trop courtes dans dix-sept, et trop longues dans huit oiseaux seulement. Sur ces huit, cinq avaient le bec long[1], ce qui semble indiquer qu’il y a quelque corrélation entre la longueur du bec et celle des os de l’aile, comme pour les pieds et les tarses. On doit probablement attribuer au défaut d’usage le raccourcissement de l’humérus et du radius dans les dix-sept oiseaux précités, ainsi que celui de l’omoplate et de la fourchette, auxquelles s’attachent les os de l’aile ; l’allongement des rémiges, et l’extension de l’aile qui en est la conséquence, étant, d’autre part, aussi complètement indépendants de l’usage ou du défaut d’usage que peuvent l’être le développement du poil chez nos chiens à longs poils, et celui de la laine de nos moutons à grande toison.

En résumé, nous pouvons admettre que le sternum, la saillie de sa crête, les omoplates et la fourchette, comparés à ce que ces mêmes os sont dans le Bizet, ont, quant à la longueur, subi une réduction qu’on peut sûrement attribuer à un défaut d’usage et au manque d’exercice. Les ailes, mesurées de l’extrémité d’un radius à l’autre ont également diminué de longueur ; mais par suite de l’allongement des rémiges, les ailes mesurées d’une extrémité à l’autre, sont généralement plus longues que dans le Bizet. Les pieds, les tarses et le doigt médian ont aussi, dans la plupart des cas, été réduits, probablement par défaut d’usage ; cependant ce fait paraît plutôt dénoter quelque corrélation entre le bec et les pattes qu’un effet de défaut d’usage. Une corrélation semblable paraît aussi exister entre le bec et les os principaux de l’aile.

  1. Il faut peut-être observer que, outre ces cinq oiseaux, deux des huit étaient Barbes, lesquels, comme je l’ai montré, doivent être classés avec les Messagers et les Runts à long bec, dans le même groupe. On pourrait appeler les Barbes des Messagers à bec court. Il semblerait donc que, pendant que leur bec subissait une réduction, leurs ailes aient conservé un peu de l’excès de longueur qui caractérise leurs parents les plus voisins et leurs ancêtres.