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INTRODUCTION.

corrélation de croissance, — et sur l’étendue des changements dont les organismes domestiqués sont susceptibles. Nous y apprendrons quelque chose sur les lois de l’hérédité, sur les effets du croisement de races différentes, sur cette stérilité qui survient fréquemment lorsqu’on enlève les êtres organisés à leurs conditions vitales naturelles, et aussi lorsqu’on les soumet à des croisements consanguins trop répétés. Nous verrons dans cette étude l’importance capitale du principe de sélection. Bien que l’homme ne cause pas la variabilité et ne puisse même l’empêcher, il peut en triant, conservant et accumulant comme il lui semble bon les variations que lui offre la nature, produire un grand résultat. Il peut exercer la sélection méthodiquement et intentionnellement ; elle peut aussi agir à son insu et sans sa volonté. En choisissant et conservant chaque variation successive avec le but déterminé d’améliorer et de modifier une race d’après une idée préconçue, et en accumulant ainsi des variations, souvent assez légères pour échapper à un œil inexercé, l’homme a pu effectuer des changements et des améliorations étonnantes. Il est également très-manifeste que l’homme, sans avoir l’intention d’améliorer une race, peut y introduire lentement, mais sûrement, des modifications importantes, par le seul fait qu’il réserve dans chaque génération les individus qui ont pour lui le plus de valeur, en détruisant ceux qui en ont moins. La volonté de l’homme entrant ainsi en jeu, nous pouvons concevoir pourquoi les races qu’il a produites témoignent d’une adaptation à ses besoins et à ses plaisirs ; et pourquoi les races soit d’animaux domestiques, soit de plantes cultivées, présentent souvent, comparées aux espèces naturelles, des caractères anomaux ou monstrueux ; c’est parce qu’elles ont été en effet modifiées non pour leur propre avantage, mais en vue de celui de l’homme.

Je discuterai dans un autre ouvrage la variabilité des êtres organisés dans l’état de nature, c’est-à-dire les différences individuelles qu’on observe chez les animaux et les plantes, et celles, un peu plus considérables et généralement héréditaires, que les naturalistes considèrent comme variétés ou races géographiques. Nous verrons combien il est difficile, et même souvent impossible, de distinguer entre les races et les sous-espèces, — comme on désigne quelquefois les formes