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LAPINS DOMESTIQUES.

En étudiant la seconde moitié du tableau, donnant les mesures des lapins domestiques, nous voyons que chez tous, à des degrés variables, la capacité crânienne est moindre qu’on n’aurait pu le supposer d’après la longueur de leurs crânes comparés à celui du lapin sauvage, no 1. La ligne 22 donne la moyenne de la mesure des crânes de sept lapins à grandes oreilles. Ici se pose la question : la capacité moyenne du crâne de ces sept lapins a-t-elle augmenté comme on devait s’y attendre d’après le fort accroissement de leurs corps ? Nous pouvons répondre à cette question de deux manières : dans la première moitié de la table nous avons les mesures des crânes de six petits lapins sauvages, nos 5 à 10, et nous trouvons que la moyenne de ces six mesures nous donne une longueur de 0,18 de pouce, et une capacité de 91 grains de moins, que la longueur et les capacités moyennes des trois premiers lapins sauvages de la liste. Les sept grands lapins ont donné pour longueur du crâne une moyenne de 4,11 pouces, et pour capacité une moyenne de 1,136 grains ; de sorte que ces crânes ont augmenté plus de cinq fois autant en longueur que les crânes des six petits lapins n’ont diminué suivant cette dimension ; on pouvait donc s’attendre à trouver chez les lapins à oreilles pendantes, une augmentation de capacité crânienne en rapport avec la diminution de celle des petits lapins, ce qui aurait donné un accroissement moyen de capacité de 455 grains, tandis que l’accroissement moyen réel n’est que de 155 grains.

Les grands lapins à oreilles pendantes ont le corps presque aussi grand et pesant que le lièvre, mais leurs têtes sont plus longues ; par conséquent, si les lapins avaient été sauvages on aurait pu admettre que leurs crânes auraient eu à peu près la même capacité que celui du lièvre. Mais cela est loin d’être le cas, car la capacité moyenne des deux crânes de lièvres, nos 23, 24, est tellement plus grande que la capacité moyenne de ceux des sept lapins, qu’il faudrait augmenter celle-ci de 24 p. 100 pour l’amener au niveau de celle du lièvre[1].

J’ai déjà remarqué que si nous eussions eu à notre disposition des lapins domestiques ayant la taille moyenne du lapin sauvage, il eût été facile de comparer leurs capacités crâniennes. Les lapins Himalayens, Angoras et de Moscou, nos 11, 12, 13 du tableau, sont un peu plus grands de taille et ont les crânes un peu plus longs que l’animal sauvage, et nous voyons que leur capacité crânienne réelle est moindre que dans ce dernier, et beaucoup moindre que celle donnée par le calcul (colonne 7) établi sur les différences dans les longueurs des crânes. Les mesures extérieures démontrent très-évidemment l’étroitesse de la boîte crânienne. Le lapin Chinchilla, no 14, est beaucoup plus grand que le lapin sauvage, et sa capacité crânienne ne dépasse que de très-peu celle de ce dernier. Le cas le plus remarquable est celui du lapin Angora, no 13, animal auquel sa couleur d’un blanc pur et la longueur de son poil soyeux impriment le cachet d’une domesticité

  1. Ce chiffre paraît trop faible, car le Dr  Crisp (Proc. of zool. Soc., 1861, p. 86) donne 210 grains pour le poids du cerveau d’un lièvre pesant 7 livres, et 125 grains pour celui d’un lapin qui pesait 3 liv. 5 onces, c’est-à-dire le poids du lapin no 1 de la liste. Le contenu du crâne du lapin no 1 est dans le tableau de 972 grains en petit plomb, et, d’après le rapport du Dr  Crisp, de 125 à 210, le crâne du lièvre aurait dû contenir 1632 grains de petit plomb, au lieu de 1,455, que j’ai trouvés pour le plus gros lièvre de mon tableau.