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LAPINS DOMESTIQUES.

forme une ligne parfaitement droite, mais dans quelques-uns des plus grands crânes du lapin à grandes oreilles, la ligne est nettement infléchie en dedans. Dans un individu, il y avait une molaire supplémentaire de chaque côté de la mâchoire supérieure, entre les molaires et les prémolaires ; mais ces deux dents n’étant pas de dimensions correspondantes, et aucun rongeur n’ayant sept molaires, ce n’était qu’une monstruosité, mais curieuse toutefois.

Les cinq crânes de lapins domestiques communs, dont quelques-uns atteignaient presque à la dimension des plus grands crânes décrits ci-dessus, tandis que les autres n’excédaient que de peu celui du lapin sauvage, ont présenté une parfaite gradation dans toutes les différences que nous venons de reconnaître entre les crânes des plus grands lapins à oreilles pendantes et ceux du lapin sauvage. Dans tous toutefois, les crêtes ou plaques sus-orbitaires étaient plutôt plus grandes, ainsi que le méat auditif, vu l’augmentation de l’oreille externe, que chez le lapin sauvage. L’entaille inférieure du trou occipital n’était pas chez tous aussi forte que chez le lapin sauvage, mais dans les cinq l’entaille supérieure était bien développée.

Le crâne du lapin angora, comme les cinq derniers, est intermédiaire par ses proportions générales et par la plupart de ses autres caractères, entre ceux des lapins lopes et des lapins sauvages. Il présente cependant un singulier caractère : quoique bien plus long que le crâne sauvage, sa largeur mesurée entre les fissures sus-orbitaires postérieures reste d’un tiers au-dessous de la largeur de ce dernier. Les crânes des lapins gris argenté, chinchillas et himalayens, sont plus allongés et à crêtes sus-orbitaires plus larges que ceux de l’espèce sauvage, et à l’exception des entailles du trou occipital qui sont moins profondes et moins développées, ils n’en diffèrent que peu sous tous les autres rapports. Le crâne du lapin de Moscou n’en diffère presque pas. Dans le lapin de Porto-Santo les crêtes sus-orbitaires sont généralement plus étroites et plus pointues que chez notre lapin sauvage.

Plusieurs des lapins à grandes oreilles dont j’avais préparé les squelettes ayant la couleur du lièvre, et des croisements entre lièvres et lapins ayant été récemment obtenus en France, on pouvait supposer que quelques-uns des caractères que nous venons de décrire fussent le résultat d’un croisement ancien avec le lièvre. J’ai donc examiné des crânes de lièvres, mais sans y trouver aucun éclaircissement sur les particularités des crânes des grands lapins. Le fait de cette coloration n’en est pas moins intéressant, parce qu’il confirme la loi que les variétés d’une espèce revêtent souvent les caractères d’autres espèces du même genre. J’ai pu encore constater, en comparant les crânes de dix espèces de lièvres au British Museum, qu’ils différaient entre eux sur les mêmes points principaux que les races domestiques du lapin, à savoir : par les proportions générales, la forme et la dimension des crêtes sus-orbitaires, la forme de l’extrémité libre de l’os malaire, et par la ligne de la suture fronto-occipitale. En outre, deux caractères éminemment variables chez le lapin domestique, le contour du trou occipital et la configuration de la plate-forme élevée de l’occiput,