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LAPINS DOMESTIQUES.

examiné un grand nombre de lapins communs, ainsi que la riche collection de peaux de tous les pays que possède le British Museum, et partout j’ai trouvé le dessus de la queue et l’extrémité des oreilles garnis d’une fourrure noir grisâtre ; ce qui, dans la plupart des ouvrages, est indiqué comme un des caractères spécifiques du lapin. Dans les sept lapins de Porto-Santo, le dessus de la queue était brun rougeâtre, et les extrémités des oreilles n’offraient aucune trace d’une bordure plus foncée. Ici nous rencontrons un fait singulier. En juin 1861, j’examinai deux de ces lapins qui venaient d’arriver au Jardin zoologique, et dont la queue et les oreilles étaient colorées comme je viens de le dire. Au mois de février 1865, on m’envoya le cadavre de l’un d’eux, dont les oreilles étaient nettement bordées, le dessus de la queue couvert d’une fourrure d’un gris noirâtre, et dont le corps entier était beaucoup moins rouge : cet individu avait donc, en un peu moins de quatre ans, recouvré, sous l’influence du climat anglais, sa véritable couleur propre.

Les deux petits lapins de Porto-Santo, pendant qu’ils ont vécu au Jardin zoologique, avaient un aspect remarquablement différent de celui de l’espèce commune. Ils étaient très-actifs et sauvages, et plusieurs personnes en les voyant trouvaient qu’ils ressemblaient plus à de gros rats qu’à des lapins. Ils avaient des habitudes nocturnes au plus haut degré, on n’a jamais pu dompter leur sauvagerie, et leur surveillant m’assurait qu’il n’avait jamais eu d’animal plus farouche sous sa garde. Ce fait est très-singulier, puisqu’ils descendent d’une race domestique, et j’en fus si surpris que je priai M. Haywood de s’informer sur les lieux si ces lapins étaient particulièrement poursuivis et chassés par les habitants, ou persécutés par les faucons, les chats ou autres animaux ; mais cela n’était pas le cas, et on ne sait quelle cause assigner à cette sauvagerie. Ils vivent dans la partie centrale haute et rocheuse du pays, près des falaises maritimes, et étant excessivement timides et farouches, n’apparaissent que rarement dans les districts inférieurs cultivés. On dit qu’ils font de quatre à six petits par portée, en juillet et août. Enfin encore un fait remarquable, leur gardien n’a jamais pu parvenir à faire reproduire ces deux lapins, tous deux mâles, avec les femelles de diverses