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LAPINS DE PORTO-SANTO.

ces lapins dans de l’esprit-de-vin, et j’en ai reçu depuis de M. W. Haywood trois individus conservés dans la saumure, et deux vivants. Quoique pris à différentes époques, ces sept échantillons se ressemblaient beaucoup, et l’état de leur squelette prouvait qu’ils étaient adultes. Bien que les conditions extérieures de Porto-Santo doivent être très-favorables au lapin, comme le montre leur multiplication incroyablement rapide, ils diffèrent beaucoup du lapin anglais par leur petite taille. Quatre lapins anglais ordinaires, mesurés des incisives à l’anus, ont varié de 17 à 17 pouces 3/4 pour la longueur, tandis que deux lapins de Porto-Santo n’avaient l’un que 14 1/2, l’autre 15 pouces. La diminution est encore plus sensible au poids. Quatre lapins sauvages anglais ont donné un poids moyen de 3 liv. 5 onces, tandis qu’un des lapins de Porto-Santo, qui avait vécu quatre ans au Jardin zoologique, mais y avait maigri, ne pesait que 1 livre 9 onces. En comparant les os des membres bien nettoyés d’un lapin de Porto-Santo tué dans l’île, aux mêmes os d’un lapin sauvage anglais, de taille ordinaire, j’ai trouvé qu’ils étaient entre eux dans le rapport d’un peu moins de 5 à 9. Les lapins de Porto-Santo ont donc diminué de près de 3 pouces dans la longueur, et perdu presque la moitié de leur poids[1]. La tête n’a pas diminué de longueur en proportion du corps, et nous verrons plus bas que la capacité de la boîte crânienne est singulièrement variable. J’ai préparé quatre crânes qui étaient plus semblables entre eux que ne le sont généralement les crânes des lapins sauvages anglais, mais ils ne présentaient pas d’autre différence dans leur conformation qu’une étroitesse plus grande des saillies sus-orbitaires des os frontaux.

Le lapin de Porto-Santo diffère beaucoup par sa couleur du lapin commun ; la partie supérieure est plus rouge, et n’est que rarement parsemée de poils noirs, ou de poils à pointe noire. Le poitrail et certaines parties inférieures sont d’un gris pâle ou plombé au lieu d’être blanches ; mais les différences les plus remarquables sont dans les oreilles et la queue. J’ai

  1. Il est arrivé quelque chose d’analogue dans l’île de Lipari où, d’après Spallanzani (Voyage dans les Deux-Siciles, cité par Godron, Sur l’Espèce, p. 364) un paysan mit en liberté quelques lapins qui se multiplièrent prodigieusement, mais dit l’auteur, « les lapins de l’île de Lipari sont plus petits que ceux qu’on élève en domesticité. »